La fin de l’exploitation des paysans n’est pas pour demain

La fin de l’exploitation des paysans n’est pas pour demain

Notre contributeur, Pascal Kouassi dévoile les dessous de l'exploitation des paysans de la filière cacao en Côte d'Ivoire avec une analyse détaillée de la vente anticipée de ce produit. Quels sont les acteurs impliqués et à quel prix le cacao non encore produit est-il vendu ?

Abidjan, Côte d’Ivoire, le 9-4-2024 (crocinfos.net)—De “on nous a trop volés” à la vente anticipée : l’exploitation des paysans, une suite sans fin.

Du cri d’orfraie de Félix Houphouët-Boigny à l’encontre des colons “on nous a trop volés’’ à aujourd’hui, avec le système stabilisé anticipé en passant par la libéralisation de 2000 à 2010, les paysans ne sont pas sortis de l’auberge, ils continuent de subir l’exploitation.

Dans les 1960, afin que les producteurs ne subissent pas les fluctuations des prix, il a été mis sur pied la “Caisse de stabilisation” : on fixait un prix aux producteurs, si le prix montait sur le marché international, le prix restait aux producteurs tel, si par contre, il descendait, il restait tel. Dans les années 1990, les institutions financières internationales s’insurgent contre ce système stabilisé qui ne profite en fait qu’aux fonctionnaires qui se servent bien et ordonnent à l’État de Côte d’Ivoire de libéraliser la vente. Avec cette libéralisation, les producteurs seraient à la merci des acheteurs du marché international. Houphouët-Boigny résiste et le prix baisse ; il monte au créneau, mais les négociants sont implacables, ils dictent leur loi, Houphouët se résigne, d’où cette phrase : ” Des margoulins de tout acabit, des irresponsables, malheureusement responsables de notre malheur…” En 1999, la libéralisation est effective.

En 2000, Laurent Gbagbo, président de la République, socialiste, applique les instructions de la libéralisation du FMI et de la BM. Il offre entièrement la vente du cacao aux producteurs. Un autre castel naît, conduit par Tapé Doh et ses amis qui vont tout simplement s’amuser avec l’argent du cacao au détriment des paysans. Le président Laurent Gbagbo les interpelle sur la gabegie mais les laisse faire jusqu’en 2010. Quelles institutions lui ont demandé de les arrêter ? Ils sont effectivement arrêtés et conduits à la Maca. En 2012, ils sont jugés et condamnés à 20 ans chacun. Juste après le verdict, chacun des condamnés est rentré tranquillement chez lui. Ont-ils remboursé l’argent ? On ne nous a rien dit. Et comme, les principaux acteurs sont déjà rappelés à Dieu (il ne reste que les femmes), on ne saura jamais rien.

Vu ce qui s’est passé sous le règne du groupe Tapé Doh, de 2011 à aujourd’hui, la vente du cacao et café, le binôme comme on le dit, est l’affaire du gouvernement. Les institutions financières, qui avaient ordonné à Houphouët-Boigny et à Henri Konan Bédié de libéraliser le secteur, ont fermé les yeux sur la nouvelle stabilisation.

Aujourd’hui, le prix grimpe sur le marché international, le ministre de l’Agriculture vient se perdre en conjectures sur la vente du cacao : “système stabilisé, système libéralisé, système anticipé, prix CAF…”avec les comparaisons qu’ils aiment faire quand elles les arrangent. Selon lui, notre cacao se vend à l’avance. La petite traite d’avril à septembre est donc déjà vendue : les 500 f qu’on ajoute sont une faveur du gouvernement.

’Aujourd’hui, le prix grimpe sur le marché international, le ministre de l’Agriculture vient se perdre en conjectures sur la vente du cacao : “système stabilisé, système libéralisé, système anticipé, prix CAF…”avec les comparaisons qu’ils aiment faire quand elles les arrangent.’’

Questions : à quels négociants a-t-on vendu le cacao ? À quel prix a-t-on vendu le cacao qui n’est pas encore produit ? Combien de tonnes a-t-on vendues dans ce cacao qui est encore dans les champs sur les cacaoyers ?

Ce qui est sûr, dans les prochains jours, le ministre va ramasser les paysans et les convoyer à la Fondation Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de paix pour dire merci au président de la République pour cette faveur qu’il vient de leur faire. Et les superlatifs ne manqueront pas. Dans le discours qu’on va leur demander de lire, on entendra les sempiternelles comparaisons “de 2000 à 2012” et le leitmotiv préféré “depuis 1960, c’est la première fois que”…

La fin de l’exploitation des paysans n’est pas pour demain.

Propos d’observateur…Par Pascal Kouassi


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