[Opinion] Un leadership égalitaire entre les sexes est tout à fait logique

[Opinion] Un leadership égalitaire entre les sexes est tout à fait logique

Auteurs : Helen Clark, présidente du conseil d’administration de PMNCH (plus grande alliance mondiale pour la santé et le bien-être des femmes, des enfants et des adolescents), Phumzile Mlambo-Ngcuka, présidente du conseil d’administration de Women Deliver, María Fernanda Espinosa Garcés, présidente du conseil d’administration de Women in Global Health, Gabriela Cuevas Barron, co-présidente du comité de pilotage de UHC2030.

Abidjan, le 14-3-23 (crocinfos.net) L’égalité des sexes n’est pas sur la bonne voie – selon un récent rapport des Nations unies, elle a même pris 300 ans de retard [1] .

Dans un monde en proie à de multiples crises, il est surprenant que l’égalité des sexes ne soit pas une priorité pour la plupart des dirigeants politiques. De plus en plus, de nombreuses preuves montrent que la santé et la résilience de nos communautés et de nos économies dépendent de la présence des femmes à la table des décisions – et qu’elles devraient occuper la moitié des sièges qui s’y trouvent.

Pourtant, les femmes sont minoritaires aux postes de direction dans tous les secteurs et seuls 28 pays sur 194 sont dirigés par des femmes [2] . Les conséquences de cette inégalité ont été perceptibles lors de l’urgence de la pandémie du COVID-19. Seule une minorité de pays ont été en mesure de maintenir les taux de mortalité à un niveau relativement bas et un grand nombre de ceux qui y sont parvenus avaient des gouvernements dirigés par des femmes [3] .

L’égalité hommes-femmes est une réelle préoccupation mondiale. Ph.Dr.

La pandémie du COVID-19 a également exacerbé les inégalités entre les sexes. Elle a révélé d’immenses vulnérabilités auxquelles on ne peut remédier que si les gouvernements reconnaissent les structures qui soutiennent les femmes et les filles, investissent dans ces structures et les renforcent. On peut supposer que ces reconnaissances, ces investissements et ces renforcements ne se produiront pas tant que les femmes ne seront pas plus nombreuses à occuper des postes de direction.

Pendant la pandémie, dans tous les secteurs, les femmes ont quitté le marché du travail car elles étaient affectées par la répartition traditionnelle des rôles en fonction du genre, les responsabilités de prise en charge, les structures salariales discriminatoires à l’égard des femmes, les conditions de travail dangereuses et le manque de protection sociale. Pour les filles, les fermetures d’écoles et d’autres pressions ont exacerbé les risques tels que les problèmes de santé mentale, la violence, les mariages d’enfants, les grossesses, les mutilations génitales féminines et l’infection par le VIH. Des millions de femmes et de filles n’ont pas eu accès aux services de santé sexuelle et reproductive. 11,2 millions de filles et de jeunes femmes risquent de ne pas retourner à l’école [4] .

Les départs ont été particulièrement remarqués dans le secteur de la santé. Plus de 70 % concernent les femmes, dont beaucoup sont sous-payées, non rémunérées, surchargées de travail et/ou occupent des emplois précaires.

Les nombreuses pressions créées par les conflits et les changements climatiques aggravent la pauvreté et l’inégalité entre les sexes, notamment en raison de l’augmentation du coût de l’énergie, de la vie et de l’inflation [5] . L’augmentation des paiements directs pour les services essentiels oblige également de nombreuses familles à choisir entre l’accès aux services de santé essentiels, l’eau potable et la nourriture. Dans certains pays, les droits les plus fondamentaux des femmes et des filles, tel que le droit à l’éducation, sont bafoués.

En tant que dirigeants de réseaux et de partenariats multipartites qui œuvrent pour faire de l’égalité des genres et de la santé pour tous une réalité, nous appelons les chefs d’État et de gouvernement à prioriser cet agenda et à le doter de ressources à chaque fois qu’ils se réunissent. Ils ont de nombreuses occasions de le faire cette année, notamment au G7 et au G20, aux réunions de Bretton Woods, aux dialogues régionaux sur le leadership et avec tous les États membres des Nations unies, y compris lors du sommet sur les objectifs de développement durable (ODD) et des réunions de haut niveau sur la santé lors de l’Assemblée générale des Nations unies.

Pour amorcer le changement, nous proposons un plan en quatre points pour la Journée Internationale de la femme :

Premièrement, veiller à ce que davantage de femmes occupent des postes de direction et de décision dans les secteurs public et privé et s’engager à atteindre la parité hommes-femmes d’ici 2030. Les femmes doivent être représentées à tous les niveaux, du président au PDG en passant par le directeur, dans les conseils d’administration et aux postes de direction, ainsi qu’en tant que ministres de portefeuilles importants tels que les finances et les affaires étrangères. Elles doivent également être soutenues pour rester dans ces rôles exigeants.

Deuxièmement, assurer une protection financière pour réduire au minimum les frais de santé à la charge des patients, afin que chacun puisse accéder aux services dont il a besoin. Faire progresser la couverture sanitaire universelle, afin que chacun, partout, puisse accéder à des services de santé de qualité, y compris des services complets de santé sexuelle et génésique, sans risquer de se retrouver dans une situation financière difficile.

Troisièmement, les femmes représentant la majeure partie du personnel de santé et de soins, il convient de garantir l’égalité des sexes en matière de leadership, de remédier au travail sous-payé et non payé par une rémunération adéquate, de combler l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes et d’investir dans un travail sûr et décent. Offrir des possibilités de formation et des environnements exempts de violence et de discrimination à tous les travailleurs de la santé. Ces mesures sont bénéfiques pour la qualité des soins et la résilience des systèmes de santé, ce qui nous rend tous moins vulnérables aux situations d’urgence.

Quatrièmement, nous devons collecter et analyser des données sexospécifiques désagrégées, et pratiquer une budgétisation fondée sur le genre, afin de garantir des politiques sensibles au genre et transformatrices qui ne laissent personne de côté.

Les dirigeants du monde entier doivent se concentrer sur les femmes et les filles à l’occasion de la Journée internationale de la femme et pendant les 364 autres jours de l’année. Tout le monde en profitera.

NB : la version originale de cette tribune, en anglais, a été publiée par le BMJ le 09 mars 2023

[1] https://news.un.org/en/story/2022/09/1126171

[2] https://www.unwomen.org/en/what-we-do/leadership-and-political-participation/facts-and-figures

[3] https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(22)01585-9/fulltext

[4] https://www.thelancet.com/pdfs/journals/lanpub/PIIS2468-2667(21)00235-8.pdf

[5] Le FMI prévoit une inflation de 6,6 % en 2023 https://www.imf.org/en/Publications/WEO


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