[Reportage] Espoir minier et défis écologiques en Côte d’Ivoire
La visite du site minier illicite abandonné de Koudougou (Bouaflé), un lieu dévasté par l'orpaillage illégal, et des efforts d'Espoir Mining pour concilier extraction et écologie à Groudji (Kocoumbo) en Côte d'Ivoire à sont, entre autres les défis et espoirs pour un avenir durable. Reportage...
Abidjan, le 27 octobre 2024 (crocinfos.net) – Dans la région de Bouaflé, à environ quarante kilomètres de Yamoussoukro, s’étend le site de Koudougou, témoin silencieux de la brutalité de l’orpaillage illégal. Cinq hectares de terres, jadis riches en cultures vivrières et plantations de cacao de café et bien d’autres produits, sont aujourd’hui défigurés, parsemés de cratères béants, souvenirs de l’exploitation sauvage. Ce jeudi 24 octobre, l’ONG Agir pour l’environnement dans des industries extractives (AEIE) a accueilli des journalistes de l’Organisation Nationale des Journalistes d’Investigation de Côte d’Ivoire (ONJI-CI) pour montrer les efforts colossaux de restauration de cette terre meurtrie.
Financé par Sacko Group, le projet de restauration du site commence à redonner de l’espoir aux agriculteurs. Pour Ouédraogo Mady, dont les plantations de cacao, de café et d’anacardes ont été anéanties, c’est une chance de renaissance. « Ce douloureux passé s’efface grâce à la réhabilitation des sols », confie-t-il, visiblement ému. Avec des engrais organiques faits de compost et de déchets animaux, la terre renaît peu à peu, se couvrant de cultures de haricots et d’arachides, à en croire le nommé Arthur, porte-parole de l’ONG et notre guide. Ce renouveau inspire les coopératives féminines, dont Zouma Pawindebem, la porte-parole, explique l’impact : « Cette activité nous aide à reprendre le contrôle de nos vies. »
Vers l’espoir
Depuis 2000, l’AEIE cartographie les sites d’orpaillage abandonnés dans dix-huit régions, révélant une réalité alarmante. Patrice EBAH, l’un des membres fondateurs et chargé des affaires juridiques et de la coopération évoque avec passion le besoin urgent de ressources pour continuer leur travail : « Nous avons besoin d’un soutien financier accumulé pour mener à bien cette réhabilitation. » Outre la restauration des terres, l’ONG déploie des projets de pisciculture et rêve de transformer le site en une zone touristique durable. Pourtant, l’espoir reste fragile.
À proximité, des orpailleurs illégaux persistent en tamisant les résidus laissés par les illégaux en quête de survie. « Nous devons nous débrouiller pour vivre après tout ce que nous avons perdu », confie l’un d’eux, son regard lourd de résignation.
Malgré tout, l’ONG croit à la réussite de son projet pour redonner espoir à cette communauté qui est devenue très vulnérable.
Cap sur un site semi-industriel
Après une pause déjeuner à Yamoussoukro, nous voilà deux heures plus tard sur un site minier légal. La délégation est à quelques kilomètres du village de Groudji (Kocoumbo) où s’élève le site semi-industriel d’Espoir Mining. Sur place, un village rudimentaire s’étend, équipé de douches et de zones de repos pour les travailleurs, sous l’œil vigilant des forces de sécurité. Abdoul Seydou, le gérant du site, nous accueille, visiblement fier de la structure mise en place pour minimiser l’impact environnemental. Les pépinières de jeunes arbres attendent d’être plantées pour reverdir les sols exploités, un symbole d’espoir dans cet environnement austère. « Nous avons extrait notre premier gramme d’or à 10 mètres de profondeur, et nous progressons actuellement à 25 mètres », explique Seydou, insistant sur la sécurité et le respect de la réglementation.
À son ouverture en 2016, Espoir Mining opérait sur une concession étendue à cinquante hectares, mais la mine l’a renouvelée à cent hectares et cela prendra fin en novembre 2024. Seydou décrit chaque étape du processus d’extraction, de l’extraction à la vente, avec une transparence méticuleuse : « Nous exigeons rigueur et souci de transparence. » Selon lui, la production d’or, réalisée ces trois derniers mois a baissé jusqu’à 1,5 kg par mois sans nous donner le kilogramme obtenu bien avant cette période. Cette production est surveillée par la direction régionale des Mines et chaque pesée est scrutée par les chefs terriens, les représentants de la communauté et aussi les travailleurs.
Dans la perspective d’une industrie aurifère ivoirienne moderne et durable
Mieux, il rassure que l’impact environnemental du site est régulièrement contrôlé. Des organismes comme le centre ivoirien antipollution (CIAPOL) et l’agence nationale de l’environnement (ANDE) effectuent des inspections trimestrielles. Le premier vérifie la qualité de l’eau et de l’air, et l’ANDE des audits pour garantir un respect strict des normes environnementales. « Nous faisons de l’impact environnemental une priorité », affirme Seydou, évoquant les visites de contrôle et l’engagement d’Espoir Mining pour une exploitation durable.
Dans un souci de progrès, la mine a abandonné l’usage du mercure, autrefois essentiel à l’extraction. Sous la pression des sanctions et la sensibilisation croissante aux risques par l’administration minière, l’équipe d’Espoir Mining a adopté, selon notre interlocuteur des méthodes plus respectueuses de l’environnement, comme la chauffe et le tamisage, et envisage de nouvelles machines pour aller plus loin dans leur démarche écologique. Aussi, Seydou ne cache-t-il pas son désir de voir les lois évoluer. Il plaide pour une réforme du code minier, permettant aux sites semi-industriels (ces sites alternent les opérations manuelles et mécaniques) de creuser à des profondeurs plus importantes à plus de 30 mètres, en sécurité, et avec des garanties pour les communautés locales.
Espoir Mining tente de conjuguer responsabilité et rentabilité, un défi de taille dans un environnement miné par les stigmates de l’exploitation abusive. En se tournant vers l’avenir, Abdoul Seydou rêve d’une industrie aurifère ivoirienne moderne et durable, fondée sur la transparence, le respect de l’environnement et le bien-être des communautés. Le site d’Espoir Mining non loin du village de Groudji pourrait bien incarner cette promesse d’un avenir plus serein pour l’or de Côte d’Ivoire.
NB : Nous avons réalisé ce reportage lors de l’atelier de formation de dix Journalistes d’investigation ivoirien de l’organisation nationale des journalistes d’investigation de Côte d’Ivoire (ONJI-CI) sur l’amélioration des enquêtes d’investigation dans le secteur minier, tenu à Yamoussoukro du 21 au 26 octobre 2024, grâce à la GIZ et au Centre d’Excellence Africain Mines et Environnement Minier de l’Institut National Polytechnique Félix Houphouët-Boigny (CEA-MEM)
Sériba Koné, envoyé spécial à Yamoussoukro
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