Zimbabwe: les manoeuvres de Robert Mugabe pour positionner son epouse Grace a la presidence

Zimbabwe: les manoeuvres de Robert Mugabe pour positionner son epouse Grace a la presidence

En limogeant son vice-président Emmerson Mnangagwa le lundi dernier, Robert Mugabe, 93 ans a affiché clairement son intention de positionner son épouse pour sa succession. Décryptage.

Le président Robert Mugabe a pris tout le monde par surprise en limogeant son vice-président Emmerson Mnangagwa. En poste depuis trois ans, cet ancien compagnon de Mugabe dans la lutte pour l’indépendance était pourtant vu comme le dauphin naturel du chef de l’Etat, âgé de 93 ans. Mais Emmerson Mnangagwa a été limogé officiellement pour manque de respect, manque de loyauté, et malhonnêteté.Cela fait plusieurs mois qu’il y avait des tensions entre le président zimbabwéen et son numéro 2. Et derrière cette fracture, on retrouve Grace Mugabe, l’épouse du chef de l’Etat qui ne cache plus ses ambitions présidentielles. Cela fait plusieurs années qu’elle s’impose progressivement dans la vie politique. Elle dirige notamment la puissante Ligue des femmes de la Zanu-PF, le parti de Robert Mugabe. Depuis des mois, elle multiplie les rallyes politiques à travers le pays, elle lance des petites phrases du genre « je suis prête si mon mari a besoin de moi ». Et puis parallèlement, elle a intensifié ses attaques contre Emmerson Mnangagwa qui est son principal rival dans cette course à la succession de Robert Mugabe. Elle a plusieurs fois accusé le vice-président de diviser le parti, de comploter contre le chef de l’Etat pour prendre sa place.

La revanche de Grace
Un incident a été décisif le week-end dernier. Grace Mugabe a été huée lors d’un meeting politique et a accusé les partisans de Mnangagwa d’avoir été payés pour la chahuter. Dès le lendemain, l’avertissement est tombé : le président Mugabe a laissé entendre qu’il pourrait démettre de ses fonctions son vice-président. Aujourd’hui, c’est chose faite. Grace Mugabe s’est débarrassée de son principal rival. Près de 24 heures après son limogeage, Emmerson Mnangagwa n’a pas encore réagi. Mais c’est la réaction de l’armée qui est la plus scrutée. On dit qu’Emmerson Mnangagwa, qui a été ministre de l’Intérieur, ministre de la Défense et ministre de la Justice, a des liens très proches avec certaines branches de l’armée. A une époque, il avait également le soutien des anciens combattants de la lutte pour l’indépendance, les War Vets, qui ont été essentiels pour maintenir Robert Mugabe au pouvoir. Il faut désormais attendre de voir comment vont réagir ces deux organisations.
Un nouvel opposant ?
Concernant Emmerson Mnangagwa, il pourrait décider de rester au sein de la Zanu-PF et de se battre ou de créer son propre parti. C’est notamment ce qu’a fait l’ancienne vice-présidente Joyce Mujuru, limogée il y a trois ans après un bras de fer avec Grace Mugabe. Mujuru qui a depuis formé son propre parti et qui s’est rapprochée de l’opposition en vue de former une coalition pour les élections présidentielles, prévues l’année prochaine.
Si Emmerson Mnangagwa quitte la Zanu-PF, c’est là que l’on pourra mesurer son poids réel en fonction du nombre de partisans qui le suivront. Mais ce qui est intéressant avec ce limogeage, c’est que Robert Mugabe est en train de se distancer de ses anciens alliés, de ceux qui l’ont porté au pouvoir. Au profil de la nouvelle garde, un groupe qu’on appelle le G40 et auquel est associée Grace Mugabe.
La survie du clan
Depuis plusieurs années, Grace Mugabe est préoccupée par une chose, la survie du clan Mugabe une fois que son mari sera décédé. Et pour elle, il s’agit de sécuriser l’avenir de sa famille. Alors depuis cinq ans, on voit une montée en puissance. Elle a commencé par obtenir des diplômes universitaires, ensuite participer à des meetings politiques. Elle est devenue présidente de la Ligue des femmes de la Zanu-PF. Aujourd’hui, elle a le soutien de la ligue des jeunes du parti.

Un évènement important est attendu le mois prochain avec le congrès extraordinaire de la formation politique. Tout risque de se jouer à ce moment-là. A cette occasion, Grace Mugabe pourrait être nommée vice-présidente. Si c’est le cas, elle sera donc en bonne voie pour succéder à son époux. Puisque si celui-ci décède, c’est un des vices-présidents, ils sont au nombre de deux, qui succéderait au chef de l’Etat jusqu’à ce qu’il y ait une élection en interne. Un scénario qui semble plus qu’envisageable. Une chose est sûre, aujourd’hui, Grace Mugabe a plus de pouvoir qu’aucun des alliés du chef de l’Etat n’en a jamais eu.

EKB avec Rfi

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