Le collectif GenZ 212 promet une riposte “plus efficace et plus influente”
Face à la colère du collectif GenZ 212, le roi Mohammed VI appelle à accélérer les réformes sociales. Mais la jeunesse marocaine, frustrée par l’inaction du gouvernement, prépare une nouvelle phase de mobilisation.
Abidjan 14 octobre 2025 (crocinfos) Le Maroc vit depuis deux semaines au rythme d’un mouvement social inédit, conduit par une jeunesse connectée et déterminée à faire entendre sa voix. Face à cette contestation, le roi Mohammed VI a tenté, vendredi, d’apaiser la situation en exhortant son gouvernement à accélérer les réformes sociales. Mais pour le collectif GenZ 212, à l’origine de la mobilisation, ces annonces sont jugées “insuffisantes”.
Un discours royal sans effet sur la colère des jeunes
Dans un discours solennel devant le Parlement, le souverain a appelé à “une plus grande célérité” dans la mise en œuvre des programmes de développement, notamment dans l’éducation, la santé et l’emploi des jeunes. Sans évoquer directement les manifestations, il a insisté sur la nécessité de renforcer la justice sociale et d’améliorer les services publics.
Malgré ce ton conciliant, le collectif GenZ 212 a réagi avec prudence. Dans un communiqué publié samedi, il a annoncé “une suspension temporaire des manifestations” afin de préparer “une phase plus efficace et plus influente”. Selon les initiateurs du mouvement, cette pause vise à “renforcer l’organisation et la coordination interne” avant de relancer les mobilisations à l’échelle nationale.
Appel à la démission du gouvernement
L’étincelle est survenue mi-septembre, après la mort de huit femmes enceintes à l’hôpital public d’Agadir, faute de soins adaptés. Ce drame a cristallisé la colère d’une jeunesse excédée par la dégradation des services de santé et d’éducation. Sur la plateforme Discord, le collectif revendique plus de 200 000 membres et se présente comme indépendant des partis politiques et des syndicats traditionnels.
Depuis le 27 septembre, des rassemblements massifs ont eu lieu à Casablanca, Rabat, Tanger et d’autres grandes villes, souvent marqués par des slogans exigeant “des écoles et des hôpitaux dignes”. Mais certaines manifestations ont tourné à la tragédie. Le 2 octobre, trois protestataires ont été tués à Casablanca lors d’affrontements avec la gendarmerie, provoquant une onde de choc à travers le pays.
Jeudi dernier, après une nouvelle journée de mobilisation encadrée par les forces de l’ordre, le collectif a appelé à la démission du gouvernement d’Aziz Akhannouch. Dans une lettre adressée au roi, GenZ 212 dénonce “l’échec du gouvernement à protéger les droits constitutionnels des Marocains” et réclame l’ouverture d’un “processus judiciaire équitable” contre les responsables présumés de corruption.
“Nous ne voulons ni violence ni chaos, mais des réformes concrètes et une gouvernance honnête”, confie un manifestant rencontré à Rabat. “Les mots du roi sont bienvenus, mais ils doivent être suivis d’actes.”
Le Premier ministre, quant à lui, a assuré suivre “avec attention les développements malheureux des derniers jours” et s’est dit prêt à dialoguer avec les représentants du mouvement.
“Une jeunesse qui demande des comptes”
À Rabat, les sit-in autorisés jeudi se sont déroulés sous haute surveillance. Des drones ont survolé les lieux et un canon à eau a été déployé, sans qu’il soit utilisé. Les participants ont salué la retenue des forces de sécurité. À Casablanca, les slogans réclamaient une intervention directe du roi pour arbitrer la crise.
Les scènes de calme contrastent avec les violences survenues la veille à Salé, où des individus cagoulés ont incendié des véhicules et une agence bancaire. Le ministère de l’Intérieur fait état de plus de 350 blessés, dont une majorité de policiers, ainsi que de lourds dégâts matériels. Plus de 400 interpellations ont été recensées.
Malgré la répression et la surveillance, GenZ 212 ne semble pas faiblir. Les jeunes du mouvement assurent vouloir “maintenir la pression” sur le gouvernement. “Cette génération ne réclame pas des promesses, mais des changements tangibles”, analyse un politologue à Casablanca.
Les autorités, conscientes du risque d’escalade, misent sur le dialogue et les réformes sociales pour désamorcer la colère. Le ministre de la Santé, Amine Tehraoui, a reconnu que les progrès réalisés “restent insuffisants” face aux attentes croissantes de la population.
Pour l’heure, le royaume retient son souffle. La trêve décrétée par GenZ 212 pourrait n’être qu’une pause stratégique avant une nouvelle vague de mobilisation, plus structurée et plus déterminée.
Athanase Kangah