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À quatre mois d’une présidentielle à hauts risques, le communiqué final de la CEDEAO, vague et diplomatique, suscite l’inquiétude et la déception des observateurs ivoiriens.
Abidjan, 25 juin 2025 (crocinfos.net) – Le rideau est tombé sur la 67e session ordinaire de la Conférence des chefs d'État et de gouvernement de la CEDEAO, tenue à Abuja, capitale de la République fédérale du Nigeria. Pourtant, malgré l’importance stratégique de ce rendez-vous sous-régional, le communiqué final laisse perplexes de nombreux observateurs, notamment en ce qui concerne la Côte d’Ivoire, à quatre mois d’une élection présidentielle aux enjeux cruciaux.
À la lecture du texte rendu public, l’organisation ouest-africaine affiche une posture mesurée, presque timorée. Elle se borne à "encourager les autorités ivoiriennes à veiller à ce que les processus menant à l’élection présidentielle d’octobre 2025 soient transparents, crédibles et pacifiques, afin d’approfondir la culture démocratique et la stabilité dans le pays, conformément à la législation nationale." Une formule diplomatique aux accents convenus, qui évite soigneusement de se confronter à la complexité du moment ivoirien.
Or, la CEDEAO n’ignore rien des remous qui agitent actuellement la scène politique ivoirienne. L’opposition, dans sa pluralité, multiplie les alertes : marches pacifiques, conférences de presse alarmantes, dénonciations d’un processus électoral biaisé, et surtout, appels insistants à un dialogue franc avec le pouvoir en place. Le mot d’ordre est clair : sans assise consensuelle, point d’élections crédibles ni apaisées.
Les souvenirs des scrutins passés, émaillés de violences et de pertes en vies humaines, sont encore vivaces dans les mémoires collectives.
Pour toute réponse, la Conférence des chefs d’État confie au Président de la Commission de la CEDEAO le soin "d’accélérer le déploiement d’une mission d’enquête préélectorale" en Côte d’Ivoire. Un geste qui, à défaut d’être insignifiant, semble pour le moins tardif et insuffisant au regard des signaux rouges qui s’accumulent. Car au-delà des intentions affichées, c’est l’inaction ou le manque de fermeté qui interpelle.
Les souvenirs des scrutins passés, émaillés de violences et de pertes en vies humaines, sont encore vivaces dans les mémoires collectives. Chaque cycle électoral, en Côte d’Ivoire, semble rejouer le même scénario dramatique : des tensions croissantes, des exclusions controversées, une justice perçue comme instrumentalisée, et une opposition muselée. À quatre mois de l’échéance, les ingrédients d’une nouvelle crise sont déjà en place.
En Côte d’Ivoire, où les institutions électorales sont contestées, où des figures majeures de l’opposition sont exclues de la liste électorale, où la société civile alerte sans relâche, les mots prudents ne suffisent plus.
En cela, le communiqué de la CEDEAO, en choisissant de ne pas nommer clairement les difficultés ni exiger des garanties concrètes, ressemble à une occasion manquée. Il donne l’impression d’une institution davantage soucieuse de ménager les susceptibilités politiques que de prévenir les dérives qui minent la démocratie dans la sous-région.
Cette posture prudente pourrait avoir un coût : celui d’une perte de crédibilité aux yeux des citoyens africains et des forces vives engagées pour la démocratie. En Côte d’Ivoire, où les institutions électorales sont contestées, où des figures majeures de l’opposition sont exclues de la liste électorale, où la société civile alerte sans relâche, les mots prudents ne suffisent plus.
L’histoire récente de la Côte d’Ivoire enseigne une vérité douloureuse : lorsque les signaux faibles sont ignorés, les drames deviennent inévitables.
La CEDEAO, en donnant l’impression de s’abriter derrière une diplomatie de façade, joue un jeu dangereux. À trop vouloir temporiser, elle risque de se rendre complice par omission d’une potentielle dérive autoritaire. Car l’histoire récente de la Côte d’Ivoire enseigne une vérité douloureuse : lorsque les signaux faibles sont ignorés, les drames deviennent inévitables.
À l’approche d’une élection cruciale pour l’avenir du pays, les peuples de la région attendent autre chose qu’un langage convenu. Ils espèrent une CEDEAO vigilante, proactive et courageuse. Le communiqué du 22 juin, en l’état, ne répond pas à cette exigence. Et c’est ce silence, feutré mais lourd de conséquences, qui inquiète.
Charles Kpan