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Accusés de détournements massifs, Ali Bongo, son épouse et leur fils cherchent soutien et silence face à une justice gabonaise déterminée à lever le voile sur des décennies de pillage et de privilèges. Fernand Dédeh vous plonge dans l’histoire de la Bongogate.
-Ali Bongogate : De l’or, du pétrole, des villas… et des larmes de crocodile
Ils appellent. Oh oui, ils appellent. Matin, midi, soir. Les téléphones des palais présidentiels africains n’ont jamais autant sonné que ces derniers mois. Des appels de détresse, parfois pathétiques, souvent intéressés. Oui, Ali Bongo Ondimba, son épouse Sylvia et leur fils Noureddin multiplient aujourd’hui les démarches pour être reçus discrètement par des chefs d’État. Non pas pour discuter climat, francophonie ou panafricanisme. Non. Juste pour pleurnicher sur leur sort, supplier qu’on fasse taire la presse gabonaise, que la justice relâche la pression… qu’on oublie, tout simplement.
Mais le Gabon nouveau ne s’oublie pas.
Premier reproche : « Pourquoi la presse gabonaise a-t-elle osé publier les comptes ? »
Le président Oligui Nguema répond avec calme, mais fermeté : « Vous êtes bien les champions de la transparence, non ? Chez vous, la presse avait publié en 2007 les virements d’Omar Bongo, ses comptes cachés, ses appartements à Paris. Pourquoi la presse gabonaise n’en aurait-elle pas le droit aujourd’hui ? Est-ce parce que, cette fois, les voleurs ont les bons prénoms ? »
Je ne savais pas que le pétrole gabonais appartenait aux familles Bongo ou Valentin. Oligui Nguema
D’ailleurs, qu’on nous explique : Sylvia Bongo n’a jamais été cheffe d’État, Noureddin non plus. Alors pourquoi ce bouclier diplomatique soudain ? Si ces comptes bancaires sont faux, qu’ils viennent donc le démontrer au tribunal, preuves à l’appui. Ou mieux : qu’ils expliquent publiquement à quoi correspond chaque milliard. Cadeaux d’anniversaire ? Héritage de grand-mère ? Pèlerinage à Las Vegas ? Nous attendons.
Deuxième reproche : « Pourquoi avoir saisi leurs avoirs pétroliers ? »
« Je ne savais pas que le pétrole gabonais appartenait aux familles Bongo ou Valentin », rétorque Oligui. « Au nom de quoi Sylvia et Noureddin détiendraient-ils des parts dans le sous-sol national ? À ce rythme, attribuons aussi le gisement d’Avocette au président Oligui, par souci d’équité. Pourquoi la famille Léon Mba n’a-t-elle pas eu sa part de pétrole ? Pourquoi la famille de Paul-Marie Yembit n’a-t-elle pas eu son bloc forestier ? »
Il ne s’agit pas de vengeance. Il s’agit de justice. Et de restitution.
Troisième reproche : « Pourquoi publier les adresses de leurs maisons à Londres ? »
Là encore, le président esquisse un sourire : « Notre presse est libre. La vôtre avait publié les appartements de feu Omar Bongo à Neuilly, à la Défense, et dans le XVIe arrondissement de Paris. Où est le problème ? Vous pensiez que vos BMA seraient les seuls à publier des listings ? Attendez de voir les BMA version Ali, Sylvia, Noureddin à Londres, Paris, Dubaï… Ce n’est que le début. »
Quatrième reproche : « Ils veulent l’annulation du procès »
« Bien sûr. Ils veulent un procès… sans procès. La belle affaire. Ils ont déjà récupéré une partie de leurs biens sous caution, grâce à l’accord de mise en liberté provisoire. Mais cet accord n’efface pas les infractions. Il ne signe pas l’amnésie judiciaire. Et pourquoi repoussent-ils sans cesse la date du procès ? Prévu en juillet, leurs avocats l’ont reporté en novembre. Pourquoi ce silence ? Pourquoi fuient-ils la confrontation publique ? Ce procès sera libre, équitable, médiatisé… mais il leur fait peur. Parce qu’ils savent ce que nous avons trouvé. »
Maintenant, ce sont ceux qui hier refusaient que la France « s’ingère » qui supplient Paris de « s’indigner ». Ce sont ceux qui se proclamaient « purement gabonais » qui brandissent leur nationalité française comme un bouclier de dernière minute.
Les ordinateurs. Les téléphones. Les messages. Les documents.
Oui, nous les détenons, ces preuves. Ce ne sont pas des rumeurs, mais des faits judiciaires. Et l’une des sœurs d’Ali Bongo elle-même les a consultés. Elle sait. Elle a lu. Voilà pourquoi leur agitation actuelle ressemble à celle d’un banc de poissons pris dans un filet.
Et maintenant ?
Maintenant, ce sont ceux qui hier refusaient que la France « s’ingère » qui supplient Paris de « s’indigner ». Ce sont ceux qui se proclamaient « purement gabonais » qui brandissent leur nationalité française comme un bouclier de dernière minute. Mais lorsque venait le temps de savourer le miel, ils étaient bien gabonais. Aujourd’hui qu’il faut restituer le pot… ils se rêvent réfugiés politiques.
Mais le peuple gabonais, lui, a compris.
Il a vu ce que 22 mois d’Oligui Nguema ont produit : des chantiers, des routes, des réformes, un retour de la confiance, des avions qui reviennent, des Gabonais qui osent rêver à nouveau. Et surtout : un président qui ne vole pas.
Ali, Sylvia, Noureddin : ce n’est pas vous que le Gabon a expulsés. C’est une époque. Une ère de pillage. Une dynastie arrogante.
Et cette époque ne reviendra plus.
Par Fernand Dédeh