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La 4e édition du Kalieh Festival à Dianra met à l'honneur la danse FOGUÉ, les rites d’initiation senoufo et les danses traditionnelles du canton Nigbi. Une célébration vibrante de l'identité culturelle africaine.
Dianra, le 12 avril 2025 (crocinfos.net) Entre rites de passage et célébration du patrimoine, la 4e édition du Kalieh Festival a plongé les festivaliers dans la richesse spirituelle et culturelle du peuple senoufo.
Les 10 et 11 avril 2025, le département de Dianra, dans la région du Béré, a accueilli l’une des plus riches expressions du patrimoine immatériel ivoirien. Pour sa quatrième édition, le Kalieh Festival s’est particulièrement distingué par son enracinement culturel, mettant en lumière les pratiques initiatiques sénoufo et les danses traditionnelles du canton Nigbi
Une ouverture haute en symboles
C’est à Yérétiélé, en présence du ministre Koné Dossongui, parrain du festival et figure de proue de la culture senoufo, qu’a été lancée la cérémonie d’ouverture. Une première étape marquée par une ambiance festive et un message fort : celui de la transmission des valeurs ancestrales à la jeunesse.
La danse FOGUÉ, pilier de l’initiation
À Diaradougou, le vendredi 11 avril, la « Journée découverte » a permis de lever le voile sur l’un des éléments centraux de l’initiation en pays Kpatoh : la danse FOGUÉ. Bien au-delà de sa beauté chorégraphique, cette danse constitue une véritable épreuve initiatique. Elle conditionne l’intégration sociale des jeunes. Refuser d’y prendre part, c’est s’exposer à des sanctions communautaires, voire à une forme d’exclusion.
Lors de ce rite, chaque initié se voit confier une jeune fille. Le couple ainsi formé est soumis à l’observation du groupe, afin d’évaluer leur compatibilité à fonder un foyer. Ce test symbolique joue un rôle crucial dans l’éducation à la responsabilité et à la cohésion sociale. Il s’agit d’une mise à l’épreuve, mais aussi d’une transmission des valeurs fondamentales du groupe.
Figures initiatiques et hiérarchie rituelle
L’attention s’est également portée sur les "penseurs", ces personnages clés dont la tenue et la coiffure ne laissent aucun doute quant à leur statut. Habillés avec élégance et parfois à l’image des femmes, ces dignitaires incarnent la valorisation du rôle féminin dans les processus initiatiques. Leur apparence féminisée constitue un hommage à la femme, pilier central de l’initiation, sans laquelle aucune transmission n’est envisageable.
Dans cette hiérarchie rituelle, certains membres exercent un pouvoir exceptionnel. Détenteurs d'une autorité temporaire mais absolue, ils sont les garants du bon déroulement des rites. Durant les trois à quatre mois que dure l’initiation, ils surpassent même l’autorité du chef du village, imposant des lois et prenant des décisions d’intérêt communautaire. Ce rôle est perçu comme un entraînement à la gouvernance, à la gestion des hommes et à l’exercice de responsabilités majeures.
Kolpélé : immersion dans la forêt interdite
La journée s’est conclue par une visite de la forêt sacrée Kolpélé, sanctuaire spirituel et espace de connexion avec l’invisible. Lieu interdit et hautement symbolique, Kolpélé rappelle que la culture senoufo repose sur une relation sacrée entre l’homme, la nature et les forces invisibles.
À Sononzo, la danse comme vecteur de mémoire
Le Kalieh Festival s’est poursuivi dans le canton Nigbi, à Sononzo, avec une mise à l’honneur des danses Gbéfé, Kapatcha, Kroubi et Lango. Ces performances ont offert aux festivaliers une nouvelle immersion dans la diversité culturelle locale.
La danse Gbéfé, par exemple, s’exécute lors de funérailles pour honorer les guerriers et les chefs. Son caractère sacré, renforcé par l’usage du masque, en fait une célébration de l’ancestralité. En contraste, la danse Kapatcha, plus festive, symbolise la joie communautaire et le vivre-ensemble.
Un soutien institutionnel de taille
Cette étape culturelle a été saluée par plusieurs autorités présentes, dont Mme Ouattara Mariame, Directrice régionale de la Culture du Béré, représentant la Ministre Françoise Remarck. Elle a exprimé, au nom de la ministre, toute sa reconnaissance envers la population :
« Je remercie toute la population pour cette mobilisation exceptionnelle et son engagement dans la promotion de notre culture. »
Des représentants du Ministère du Tourisme, de la Culture et de la Francophonie, des élus locaux comme l’honorable député Koné Nagadjomon, ainsi que le professeur Coulibaly Nanourougo ont souligné l’importance de la préservation des traditions face à l’uniformisation culturelle mondiale.
Une réponse culturelle à la modernité
À travers cette édition du Kalieh Festival propose plus qu’un simple spectacle : une résistance culturelle face à l’érosion des identités africaines. En valorisant les rites d’initiation, la danse traditionnelle et les savoirs ancestraux, il rappelle que la culture vivante est un levier essentiel de cohésion, d’éducation et de développement.
En attendant la prochaine édition, avec la certitude que chaque pas de danse, chaque rite et chaque hommage aux anciens participent à la réaffirmation de l’âme d’un peuple, rendez-vous est donné ce samedi soir pour l’apothéose : "la Nuit des Arts initiatiques".
Médard KOFFI depuis Dianra