Issa Sanagré Yeresso avec Houphouët.jpg
De l’opulence de l’ère Houphouët-Boigny à la crise abyssale des années 1990, la Côte d’Ivoire a vacillé avant de renaître. Un récit fort où économie, politique et mémoire collective s’entrelacent.
Abidjan, le 26 mai 2025 (crocinfos.net)---J'ai été comme plusieurs ivoiriens de ma génération enfant gâté témoin, bénéficiaire, acteur de la période de la poule aux œufs d'or de Nanan Félix Houphouët-Boigny.
Nous étions les enfants gâtés de la République. L'argent et le travail attendaient les chômeurs. Les postes, les emplois attendaient impatiemment les étudiants en formation. La Côte d'Ivoire du vieux à une période, s'est même permis le luxe en Afrique de payer mensuellement les chômeurs comme en Europe. Ce fût la période des vaches grasse; la période faste des grands projets réalistes fondateurs de la modernité, du décollage , des plans futuristes de développement : barrages hydro-électriques eau potable, hôpitaux, universités, grandes écoles, télécommunications , industrialisation ponts, routes et bien d'autres infrastructures socio-économiques... mais aussi celle des grandes folies de grandeur: la construction de la Fondation Félix Houphouët et de la plus grande Basilique du monde.
En 1989patatras !!! Sur le petit écran de la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne ( RTI) le président de la République dans une adresse à son peuple annonce : « Mes chers amis de la Côte d'Ivoire, c'est avec beaucoup de peine, croyez moi que je vous annonce que les mesures d'assainissement financiers et économiques que vient de communiquer à la nation le ministre des finances Moïse Comoé au nom du gouvernement seront in-té-gra-le-ment appliquées ( En tapant du poing sur la table). »
L'ex président fondateur du Syndicat Agricole des Planteurs avec un pincement aigu au cœur avait déclaré qu'il était obligé de réduire de moitié le prix d'achat du café et du cacao. Ce qui a entraîné une perte colossale de deux cents (200) milliards de frs CFA. Un grand risque de diminution et de cessation de paiement des salaires. Impossible de payer les dettes intérieures et extérieures. À l'horizon compression des personnels, mise en chômage fermetures des usines et entreprises ... sept cents (700) milliards de frs CFA de pertes en quatre (4) ans. Les caisses de l'État de Côte d'Ivoire étaient désespérément vides. Rien à racler.
Nous étions les enfants gâtés de la République. L'argent et le travail attendaient les chômeurs. Les postes, les emplois attendaient impatiemment les étudiants en formation.
De mille (1000) milliards de frs CFA d'excédents, de trop plein, le pays sous Félix Houphouët-Boigny se trouve avec mille milliards de francs CFA de dette.
La pression interne et internationale est très forte pour la réintroduction du multipartisme. Le terrain politique est très favorable aux revendications et troubles sociaux. Les arguments sont judicieusement récupérés par l'opposition politique principalement animée par Laurent Gbagbo, son parti le Front populaire Ivoirien (FPI) et ses acolytes le SYNARES, la FESCI et autres centrales syndicales d'obédience gauche. Des grèves et marches de contestations, revendications sont organisées tous azimuts. Laurent Gbagbo et ses camarades de lutte politique ont fait progresser la démocratie en Côte d’Ivoire.
Mais, le slogan était fort insultant : « Houphouët voleur! Houphouët voleur ! »
Blessé dans son amour propre Nanan Félix Houphouët-Boigny perd sa sérénité légendaire et dérape : « Je vous ai sortis du trou… »
La situation, en réalité était catastrophique ; la Côte d'Ivoire était dans un abîme. Les causes sont endogènes, exogènes; multiples et multiformes : il y avait certes sur le plan international, la mévente du café et du cacao piliers de l'économie ivoirienne ; mais il y avait surtout une mauvaise gestion paternaliste, centralisée des biens de l'État avec des chasse-gardée. Cette gestion bien que décriée était tolérée, couverte par le vieux crocodile de Yamoussoukro. Ne disait-il pas à propos des corrompus de ses gouvernements
« On ne regarde pas dans la bouche de celui qui grille les arachides...? »
Gabegie, laxisme etcorruption ont causé le désarroi.
En avril 1990, le « cerveau politique de premier ordre »(dixit le président français général Charles de Gaulle,) Félix Houphouët-Boigny sort de son chapeau le joker jusque-là inconnu de ses compatriotes. Il refuse la primauté de l'assistance des " coopérants blancs ". Il fait appel à un fils de la Côte d'Ivoire Alassane Dramane Ouattara qui, à pas feutrés fait son entrée dans l'arène politique de la Côte d'Ivoire par la mise en place d'un « comité interministériel »
Le plan dit « Comoé » était tout sauf un plan de redressement économique ; c'était un montage à courte vue ; une source de provocations et de troubles sociaux.
En guise de testament, le président fondateur de la Côte d'Ivoire moderne dira : « Alassane Ouattara, je lui fais confiance ; vous lui ferez confiance... »
Né en 1942 à Dimbokro, Alassane Dramane Ouattara est docteur en Économie de l'université de Pennsylvanie aux États-Unis d'Amérique. En 1972, à 26 ans il entre au Fonds Monétaire International (FMI) ; puis, il est chargé de mission à la Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) au siège à Paris. Il devient conseiller Spécial du gouverneur de la BCEAO Abdoulaye Fadiga.
Il rejoint le FMI en qualité de directeur départemental Afrique en charge de 50 États sur 150.En 1987, il est nommé conseiller Spécial du directeur général du FMI.
En 1988, Félix Houphouët-Boigny le rappelle, le jeudi 22 décembre 1988, il prête serment comme gouverneur de la BCEAO.
Par son plan de redressement avec une équipe restreinte Alassane Dramane Ouattara en très peu de temps sort la Côte d'Ivoire de l'abîme sauve par la même occasion le fauteuil présidentiel et l'honneur du père fondateur de la République de Côte d'Ivoire.
En guise de testament, le président fondateur de la Côte d'Ivoire moderne dira : « Alassane Ouattara, je lui fais confiance ; vous lui ferez confiance... »
Les faits sont sacrés les commentaires sont libres.
Dr Issa Sangaré Yeresso, Prix international de journalisme Université Aix Marseille 2.Chevalier de l'ordre de la Culture.