Le National ASSY DUGGARY GHISLAIN, chargé de la communication du MEDD, Régional adjoint 1 de la DRENA 4 et SG de l'IEPP Anonkoua-Kouté
Alors que la trêve sociale semblait garantir la paix syndicale, les promesses non tenues et les manœuvres dilatoires du gouvernement ravivent la colère des enseignants, prêts à durcir le silence par la grève. L’analyse de Adrien Vagbé.
Abidjan, Côte d’Ivoire, 5 avril 2025 (crocinfos.net)---Il est toujours moins fatigant de dire la vérité. En 2022, les centrales syndicales ont conclu avec le gouvernement un cadre de dialogue ayant permis la signature de ce que l’on a appelé la « trêve sociale », d’une durée de cinq ans. Toutefois, il était précisé que toute violation des principes de ce cadre pourrait entraîner la rupture de ladite trêve.
La première entorse a été constatée lorsque le gouvernement, de manière unilatérale, a procédé à la fusion des trois impôts pesant sur le seul revenu du fonctionnaire, en un impôt unique. Une réforme qui, en substance, n’a rien changé, là où les organisations syndicales réclamaient l’annulation pure et simple des anciens prélèvements, à l’exception de l’IGR. S’en sont suivies d’autres violations des clauses de la trêve sociale.
Les syndicats, en particulier ceux des enseignants, confrontés à une grande précarité, ont agi sectoriellement, conformément à un décret de 2008 prévoyant l’octroi d’une prime à tous les fonctionnaires. Ainsi, dans leurs différents ministères, ils ont formulé des propositions adressées aux ministres de tutelle, lesquels devaient ensuite les transmettre au ministre de la Fonction publique, en vue d’une remontée au niveau gouvernemental. L’un de ces ministères a tardé à transmettre les propositions, et l’autre ne l’a même pas fait.
C’est donc pour tirer la sonnette d’alarme que les syndicats ont lancé un préavis de grève.
Aucune volonté manifeste ne semble animer les autorités pour résoudre sérieusement le problème soulevé par les enseignants.
Face à la menace d’exécution de ce préavis, le ministère de la Fonction publique a mis en place un Conseil consultatif composé des centrales syndicales et de certains représentants administratifs. Il convient de rappeler que ce conseil aurait dû être instauré dès 2023 pour traiter les questions d’ordre social. Il aura fallu que les enseignants annoncent une grève pour que ce conseil voie enfin le jour — conséquence directe de la mobilisation syndicale.
Cette même grève a également poussé le MENA, jusque-là silencieux, à organiser en urgence un séminaire à Bassam avec les organisations syndicales, afin de finaliser le document devant être transmis au ministère de la Fonction publique.
C’est dans ce contexte que Madame la ministre de la Fonction publique a pris plusieurs engagements, parmi lesquels la création d’un comité d’experts chargé d’évaluer l’impact financier et les modalités d’octroi de la prime. Ce comité devait rendre ses travaux au plus tard le 27 février 2025. Nous n’étions alors qu’en novembre.
Sous la pression des bases, l’ensemble des syndicats signataires ont convoqué une assemblée générale à Yamoussoukro, où ils ont fini par convaincre les militants — qui réclamaient une grève illimitée — de faire preuve de patience et de croire en la bonne foi de Madame la ministre, en attendant les conclusions desdits experts.
À l’approche de la date du 27 février, les enseignants ont été confrontés à des discours dilatoires, centrés notamment sur la prétendue illégitimité de Bli Blé, accusé d’être à la retraite et donc disqualifié pour parler au nom des syndicats.
Et lorsque le jour tant attendu arriva, ce fut par le biais d’un simple communiqué du ministère que les organisations syndicales apprirent que les travaux du comité d’experts étaient reportés à une date ultérieure. Il fallut, une fois encore, une nouvelle menace de grève pour qu’elles soient enfin reçues par Madame la ministre.
En un mot, aucune volonté manifeste ne semble animer les autorités pour résoudre sérieusement le problème soulevé par les enseignants.
Il y a ceux qui disposent des médias d’État pour entretenir une image angélique, en célébrant sans contradiction une mauvaise foi institutionnelle, et il y a ceux qui n’ont que les réseaux sociaux pour livrer leur part de vérité.
Bizarrement, en Côte d’Ivoire, les plus obtus semblent s’être regroupés pour refuser de penser, tout en se drapant fièrement du titre de « moutons ». Il n’est pire malheur que celui de l’homme qui refuse de dire ce qui est juste, simplement parce que l’injustice l’avantage.
De nombreux pays occidentaux, pourtant moins riches que les nôtres, offrent une vie bien plus épanouie à leurs citoyens. Nous, enfants de nations bénies en ressources naturelles, en sommes encore à mendier notre dignité.
L’intérêt du peuple doit primer sur celui des partis politiques. Je plains ces fanatiques aveuglés, soumis à des partis qui leur ont arraché jusqu’à la raison et la dignité humaine. Chacun est libre d’adhérer à une formation politique, mais encore faut-il faire preuve d’intelligence et de sagesse pour y défendre des idées d’intérêt national.
De nombreux pays occidentaux, pourtant moins riches que les nôtres, offrent une vie bien plus épanouie à leurs citoyens. Nous, enfants de nations bénies en ressources naturelles, en sommes encore à mendier notre dignité.
Je termine cette modeste analyse par un proverbe africain :
« Lorsque tu lèves le visage à l’opposé du sol pour cracher, sache que tu recevras la salive au visage. »
Soyons sages dans notre engagement politique. Ayez le courage de contredire vos leaders lorsqu’ils sont dans l’erreur, au lieu de les suivre aveuglément.
Adrien Vabé