![[Exclusif---Douanes ivoiriennes] Attention ! La DMG détourne des primes](https://crocinfos.net/static/news_media/news_mediaecole1740323839.jpg)
La Direction générale des Douanes ivoiriennes. À titre d'illustration.
Suite à la suspension de 87 agents des douanes ivoiriennes, accusés de détention de faux diplômes lors des concours professionnels exceptionnels de la fonction publique, la Direction des moyens généraux (DMG) détourne les primes de certains agents concernés. De plus, des protégés du Directeur général ont été identifiés pour des fraudes avérées et pourraient faire l'objet de poursuites. Un vrai scandale continue de s’écrire au sein des douanes en Côte d'Ivoire.
-Des protégés du DG des douanes épinglés pour faux
-Ce que la ministre Anne Désirée Ouloto a dit
Abidjan, Côte d’Ivoire, 22 février 2025 (crocinfos.net)---Quatre-vingt-sept agents des douanes ivoiriennes ont été suspendus de leurs fonctions pour des accusations de faux diplôme dans les concours professionnels exceptionnels. Selon les déclarations du Général Da Pierre Alphonse, directeur général des douanes ivoiriennes, et de ses proches collaborateurs, relayées par les médias le 29 mars 2024. Cette affaire, qui a soulevé à l’époque de nombreuses interrogations, concernait deux promotions, subdivisées en trois cycles, des années 2021 et 2022 : les lieutenants, qui sont les contrôleurs ; les inspecteurs, qui occupent le rang de capitaine ; et les administrateurs, qui détiennent le grade de commandant. Seul le cycle des contrôleurs de la promotion 2021, qui comprend trois cycles, a été soumis à ce contrôle sur ordre du DG des douanes ivoiriennes.
Pour la promotion de 2021, 28 élèves fonctionnaires contrôleurs étaient concernés, tandis que pour la promotion de 2022, 48 élèves contrôleurs fonctionnaires, 11 inspecteurs et 3 administrateurs sont également accusés. Au total, le général ‘’transparence’’ des Douanes devraient annoncer 90 agents impliqués, dont 87 se retrouvent devant les tribunaux, ce jour. Il est à noter que l’un des agents accusés, le lieutenant Coulibaly Awa Anastasie Yelé, est décédé le 1er septembre 2024 au CHU de Treichville, et que trois administrateurs de la promotion 2022 sont protégés par la Direction générale des douanes ivoiriennes.
Pourtant, les promotions de 2021 et 2022 ont bénéficié des Arrêtés d’admission définitive émanant du ministère d’État, de la fonction publique et de la modernisation. En effet, les concours professionnels exceptionnels de ces années exigeaient la présentation d’un diplôme différent de celui ayant permis l’accès à la Fonction publique, dans le but d’obtenir une promotion.
La complicité du DRH des douanes et de la DECO ? Quelques-uns des agents accusés ont choisi de se tourner vers la Direction des Examens et Concours (DECO) pour solliciter une vérification de leur diplôme, dans le but de prouver leur innocence, le 6 mars 2024, soit deux jours après l'affront subi de la part de l'administration douanière. Leur requête n'a reçu aucune réponse. Le 12 septembre 2024, ils ont déposé une nouvelle demande d'authentification via le site web ledebat.net, en quête de transparence sur cette question.
Cette fois-ci, Mme Diarra Kadidiata épouse Badji, la directrice de la DECO, a demandé que les personnes concernées fassent la requête elles-mêmes, car la vérification d'un diplôme nécessite le consentement de l'individu. Des mis en cause se sont rendus sur place pour satisfaire aux demandes de la directrice, dans l'espoir d'obtenir une réponse concrète concernant les accusations portées à leur encontre. En attendant une réponse à leur requête, ils ont été surpris de constater que Mme Kadidiata, qui avait assuré de répondre à leur demande, a finalement choisi de ne pas le faire. Elle les a orientés vers leur service des douanes. Plus grave encore, elle a restitué la somme de 1 000 FCFA (avec un reçu) à chacun des agents, somme qui, logiquement avait été prise en compte par le Trésor public.
‘’L'audio de cet incident, marqué par une mauvaise foi manifeste et une chasse aux sorcières, a circulé sur les réseaux sociaux sans qu'aucune sanction ne soit prise à son encontre, malgré la violation des données à caractère personnel, punie par la loi n° 2013-450 du 19 juin 2013.’’
Les agents concernés ont tenté de rencontrer la directrice pour expliquer son refus d'authentifier leur diplôme, un droit qui leur revient pourtant. Cela n'a pas été possible, puisqu’ils n'ont pas été reçus.
Ils soupçonnent l'implication du Colonel Koffi Méa Ignace, directeur des ressources humaines (DRH), qui avait publiquement annoncé la liste de 28 personnes ayant prétendument déposé de faux diplômes à l'école des douanes, le lundi 4 mars 2024. L'audio de cet incident, marqué par une mauvaise foi manifeste et une chasse aux sorcières, a circulé sur les réseaux sociaux sans qu'aucune sanction ne soit prise à son encontre, malgré la violation des données à caractère personnel, punie par la loi n° 2013-450 du 19 juin 2013.
Selon des sources proches de la DECO, plusieurs agents auraient été faussement incriminés. Nos informations sont formelles : les inspecteurs et administrateurs, qui n'ont pas été soumis à ce contrôle, protégés du Directeur Général, ont finalement été épinglés par le ministère de la Fonction publique.
L’un des trois administrateurs déjà épinglé pour ‘’faux’’. Il fait partie des trois administrateurs de la promotion 2022 que le DG des Douanes a épargnés dans sa communication excessive sur les 87 agents. Malheur pour le Général ‘’transparence’’, nos investigations ont révélé que les services du ministère d'État, en charge de la Fonction publique et de la Modernisation de l'administration, l’ont épinglé dans un courrier daté du 20 décembre 2024, dont nous détenons une copie.
L'objet de ce courrier mentionne clairement : « Annulation de votre admission au concours administratif. »
Voici, en substance, la note des services du ministère de la Fonction publique: « Suite à votre admission au concours professionnel exceptionnel d'accès à l'emploi d'Administrateur des Services Financiers, option Douanes, pour l'année 2022, les services compétents de la Fonction publique ont pris en charge votre dossier d'admission.
Conformément à l'article 8 du décret n° 93-607 du 2 juillet 1992, qui stipule que tout candidat à un emploi public doit fournir un dossier comprenant, entre autres les diplômes ou titres exigés, un contrôle d'authentification des pièces constitutives de votre dossier a été effectué.
Il en ressort que le diplôme présenté en appui à votre candidature est un faux, comme l'atteste le courrier n° 212/24/CA/LNL en date du 16 juillet 2024, émanant des services de l'établissement PIGIER Côte d'Ivoire.
L'exigence du diplôme requis pour les concours administratifs est une condition substantielle ; son non-respect entraîne l'invalidation de la candidature ou l'annulation de l'admission.
Par conséquent, votre admission au concours susmentionné est annulée pour faux diplôme.
De plus, l'Administration se réserve le droit d'engager des poursuites judiciaires à votre encontre, conformément aux textes réglementaires en vigueur. »
‘’Il en ressort que le diplôme présenté en appui à votre candidature est un faux, comme l'atteste le courrier n° 212/24/CA/LNL en date du 16 juillet 2024, émanant des services de l'établissement PIGIER Côte d'Ivoire.’’
Des primes détournées par la DMG.Derrière cette la façade de bonne gouvernance et la transparence des affaires de l’État, dont se targue l’actuelle Direction générale des Douanes, se dissimulent les visages hideux de l’abus d’autorité, du détournement de biens et de corruption. En cause, les agents suspendus vers fin mars 2024, ont été écartés de toutes activités douanières par le DG. Cependant, une semaine après leur suspension, les primes trimestrielles des mois de janvier, février et mars ont été versées à la Direction générale des moyens généraux (DMG) de cet organisme public par le Trésor public. Mais les agents suspendus, qui étaient en activité durant cette période, n’ont pas perçu leurs primes. Pis, ils n’ont reçu aucune notification de suspension de ces primes. Le trimestre suivant, ‘’le Général transparence’’ de la Direction des douanes a choisi de verser les primes à certains agents, tandis que d’autres, ayant refusé de rentrer dans la magouille, n’en n’ont pas bénéficié. Certains ont même reçu des paiements à moitié. La prime partiellement reversée à un agent mis en cause.
Face à cette bonne gouvernance des temps caverneux, et au détournement des primes des mis en cause, le conseiller juridique des agents suspendus a écrit au ministre du Budget pour demander le transfert des primes non réglées. Il a également adressé un courrier au directeur des moyens généraux (DMG) des services douaniers pour réclamer le remboursement des primes non versées, menaçant celui-ci de recourir à la justice pour dénoncer ce qu’il considère comme un ‘’ détournement de fonds’’.
Quant aux agents concernés, rémunérés selon leur statut antérieur, ils dénoncent un abus d’autorité. Car selon la loi, la sanction devrait dépendre des faits établis, conformément à l’article 17 du régime disciplinaire des douanes : ‘’L'application des sanctions prévues par le présent Régime disciplinaire est subordonnée à l'établissement de la faute.’’ Le courrier au DMG pour réclamer les primes impayées des mis en cause.
La faute liée aux faux diplômes des 87 agents sélectionnés par le DG et ses collaborateurs, dont le Colonel Koffi Méa Ignace, directeur des ressources humaines (DRH), était-elle établie ? En tout état de cause, huit mois plus tard, l’affaire est demeure en instance devant les juridictions, dont la chambre correctionnelle du Tribunal de première instance.
Lien à écouter: https://youtu.be/pw1gwZWGmIU
La part de vérité du DAJC du ministère de la Fonction publique. Les promotions de 2021 et 2022, mentionnées précédemment, ont bénéficié des arrêtés d'admission définitive émanant du ministère d'État, de la Fonction publique et de la Modernisation. La promotion de 2021 a reçu son arrêté d'admission définitive le 22 juillet 2022, soit huit mois après l'annonce des résultats provisoires de novembre 2021. Ce même procédé a été appliqué pour la promotion de l'année 2022. De plus, Koné Zanga, directeur des affaires juridiques et du contentieux (DAJC) du ministère de la Fonction publique, a éclairé l'opinion sur "l'admission sous réserve et l'admission définitive" dans une vidéo d'une minute et neuf secondes, datée du 24 septembre 2024. Voici en substance sa déclaration : « L'admission à un concours administratif est officialisée par un arrêté d'admission. Très souvent, cet acte est soumis à une "réserve de confirmation". Cet acte ne doit pas être confondu avec un acte d'admission. Le seul acte créateur de droit qui peut conférer la qualité ou le statut d'admis est bel et bien l'arrêté définitif d'admission. Lorsque le ministère de la Fonction publique, après affichage de l'arrêté définitif d'admission, se rend compte que vous n'avez pas rempli une condition, il dispose de deux mois pour retirer votre nom de l'arrêté définitif d'admission. »
Au regard de cette information émanant du directeur des affaires juridiques et du contentieux du ministère de la Fonction publique, on peut s'interroger sur les réelles intentions du directeur général des douanes et de son directeur des ressources humaines.
Des conséquences dramatiques. Nous avons déjà révélé dans notre édition du 06/06/2024, sous le titre : [Côte d’Ivoire ‘’Affaire faux diplômes en Douanes’’] Le vrai visage de l’abus d’autorité (enquête) que les
conséquences de cette affaire sont multiples et préoccupantes. Pour mieux informer nos lecteurs de ce « cancer » qui ronge l’administration douanière ivoirienne et tue à petit feu des innocents, nous avons adressé un courrier de demande d’informations concernant les sanctions disciplinaires et la gestion des primes des quatre-vingt-sept (87) agents à la ministre de la Fonction publique et de la Modernisation de l'administration.
‘’Lorsque le ministère de la Fonction publique, après affichage de l'arrêté définitif d'admission, se rend compte que vous n'avez pas rempli une condition, il dispose de deux mois pour retirer votre nom de l'arrêté définitif d'admission.’’
Dans sa réponse datée du 31 janvier 2025, Anne Désirée Ouloto, ministre d'État, ministre de la Fonction publique et de la Modernisation de l'administration, a pris connaissance de la demande d'informations formulée dans notre requête. Elle a précisé que, conformément à l'ordonnance n°2018-517 du 30 mai 2018, le ministère de la Fonction publique n'est pas ‘’compétente’’ pour prononcer des sanctions disciplinaires à l'égard des fonctionnaires paramilitaires. Elle a précisé que cette responsabilité incombe au ministre des Finances et du Budget : ‘’(…) Toutefois, en application des dispositions de l'ordonnance n°2018-517 du 30 mai 2018 relative au pouvoir disciplinaire des ministres chargés de la Douane, des Eaux et Forêts, des Affaires maritimes ainsi que des services pénitentiaires, le ministre de la Fonction publique n'est pas compétent pour prononcer des sanctions disciplinaires à l'encontre des fonctionnaires paramilitaires; cette compétence étant désormais réservée, en ce qui concerne les agents des Douanes, au ministre des Finances et du Budget qui l'exerce après consultation du Conseil de discipline sectoriel des Douanes institué auprès de lui.’’
Le coupon de la première demande du 6 mars 2024.
Quant au document rendant inéligible les 87 agents pour la perception de leurs primes trimestrielles de janvier à mars 2024), elle a également souligné que la gestion des primes relève de la compétence de ce même ministère. ‘’(…) La gestion des primes est une question interne relevant de la compétence du Ministère concerné, en l'espèce le Ministère des Finances et du Budget’’, conclut-elle.
Nous avons également saisi la Direction générale des douanes ivoiriennes ainsi que le ministère des Finances et du Budget, le 03 décembre 2024, concernant les sanctions disciplinaires et la gestion des primes de quatre-vingt-sept (87). Une fois de plus, ces organismes publics sont restés muettes à notre demande d’information, au mépris de la loi n°2013-867 du 23 décembre 2013 relative à l’accès d’intérêt public et aux documents publics.
Cette situation soulève des questions sur l’équité et la transparence des procédures. Elle laisse penser que la Direction générale chercherait à étouffer ses propres crimes plutôt qu’à lutter contre la fraude et la corruption.
La réponse de la directrice à la demande des agents pour vérification de leur diplôme.
Face à l’inaction des autorités, les agents concernés ont sollicité le Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH), qui a accepté de les entendre, ainsi que le Conseil d’État, qui devrait rendre sa décision prochainement. Les agents espèrent que la justice prévaudra et que leurs droits seront enfin reconnus dans cette affaire qui soulève de nombreuses interrogations sur la transparence et l’intégrité des procédures au sein des douanes ivoiriennes.
Sériba Koné