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C R O C I N F O S

[Anyama/Tension vive à Zossonkoi] Le chef Abouchou indésirable, les raisons

[Anyama/Tension vive à Zossonkoi] Le chef Abouchou indésirable, les raisons

Les manifestants déterminés à l'entrée principale du village de Zossonkoi

Vive tension à Anyama, dans le village de Zossonkoi, où la population a manifesté ce lundi 25 août contre le chef sortant Abouchou Bouadi François, jugé illégitime. Accusé de refuser de céder le pouvoir à son successeur désigné, il est désormais contesté par toute la communauté qui exige son départ.

Le village de Zossonkoi logé dans la commune d’Anyama était en ébullition le lundi 25 août, une situation traduit par une manifestation d’humeur des hommes, femmes, jeunes et surtout de la génération qui doit être établie selon la tradition, dans la gestion des affaires du village.

La population dans son ensemble dénonce les activités du chef sortant dont le règne selon les us et coutumes de la tradition du village a expiré, mais qui depuis des années refuse de partir en transmettant officiellement le pouvoir au chef désigné qui est de la génération de ceux habilités à gérer les affaires du village. Selon les natifs du village, le chef sortant Abouchou Bouadi François est forclos, donc n’a plus aucune légitimité au sein de la communauté, en dépit de l’arrêté préfectorale qu’il bandit. En d’autres termes, il n’est plus leur chef et ne devrait plus parler au nom du village, selon eux, et devrait libérer le fauteuil qui a déjà un propriétaire, à savoir le chef Apiah N’guessan Joël désigné depuis juillet 2023.

Pour se faire entendre et alerter les autorités de la ville sur une situation qui perdure, qu’ils ne peuvent plus tolérer, et qui doit immédiatement prendre fin, des manifestants surchauffés et  surexcités ont dressé dès les premières heures de ce lundi, des barricades à l’entrée principale du village (Carrefour-Maternité de la ville d’Anyama), des pancartes en mains sur lesquelles étaient écrits des messages hostiles au chef sortant, chantant et dansant, face aux forces de l’ordre déployés sur les lieux.

C’est dans cette ambiance, que de passage, le commandant Koné Zakaria militaire ivoirien, ancien seigneur de guerre des Forces nouvelles va marquer un arrêt pour s’enquérir de la situation.

Après quelques échanges avec les manifestants, appuyés par l’intervention de M. Bodi Anatole adjoint du chef sortant avec qui, il avait déjà marqué ses distances, très respecté et écouté par sa communauté, la tension finit par baisser et les manifestants décident d’enlever les barricades, surtout que dans la foulée, un message du Sous- préfet leur ait parvenu, les invitant à une rencontre dans la même journée. Toute chose qui a atténué un tant soit peu la colère des détracteurs du chef sortant devenu persona non grata dans son village.

De retour à la place publique, la population et les manifestants seront entretenus par le commissaire de police d’Anyama M. Traoré Fondéré Pierre qui une fois encore, va aussi appeler au calme et à les inviter à user des voies pacifiques et légales pour la résolution du problème. Message bien reçu par la communauté qui a déploré le mutisme des autorités et surtout du sous-préfet qui n’a ménagé aucun effort pour les entendre, malgré plusieurs courriers qui lui ont été adressés sur la situation qui prévaut dans le village.

Mais comment en est-on arrivé à cette situation, à telle enseigne que deux camps d’une même communauté se regardent en chien de faïence ?

   

« L’installation de ceux qui doivent nous succéder a pris du temps à cause de certains problèmes. Toutefois, 1 an après leur grande sortie solennelle, on transmet le pouvoir. Car il faut encadrer et guider ceux qui doivent prendre le pouvoir et le laisser travailler. Mais le chef sortant ne veut pas entendre raison parce qu’il a un agenda caché », dénonce M. Dogbo Monnet Mathurin, ancien chef du village. A l’en croire, le chef Aboudjou aurait reçu plusieurs dizaines millions FCFA et il doit rendre compte. Il y a aussi la situation de la forêt classée d’Anguédédou : il veut s'approprier à lui seul 164 hectares, et il traite avec des opérateurs économiques en tant que chef au nom du village. Là-bas, le terrain est vendu entre 7 à 8 millions FCFA et c'est sa seule signature et son cachet qui sont acceptés par l'administration. Les attestations villageoises sont signées moyennant 300000 FCFA par attestation. Il faut qu’il rende compte de tout. Voici un peu son calendrier caché.

Après près de 23 ans de règne, c’est un chef qui veut mourir au pouvoir, afin de ne pas rendre compte de sa gestion à la population. Depuis 2022, après la sortie officielle de ceux qui doivent nous succéder, son mandat a pris fin, mais il nous brandit l'arrêté préfectoral pour nous dire qu'il demeure le chef.

« J'avais un arrêté préfectoral et il a géré le village pendant 9 bonnes années sans arrêté préfectoral. Il a agi en tant que chef sans arrêté préfectoral. Mais aujourd’hui, il feint l’ignorer que notre tradition est au-dessus de l'arrêté préfectoral. En effet, il y a d'abord la légitimité, puis après suit la légalité. La légitimité s'acquiert au niveau du village. La légalité est constituée par un arrêté préfectoral émis par le sous-préfet. Il n'a plus la légitimité. », explique M. Dogbo.

Une situation qui s’est profondément dégradée, lorsque, fort de son arrêté préfectoral, le chef sortant a porté plainte contre le nouveau chef désigné, son adjoint et l’ancien chef, pour trouble à l'ordre public, usurpation de titre, exhumation de corps, profanation de tombe et discrimination. Une affaire pendante devant les juridictions.

« Chez nous, le mandat d'une génération peut durer 15 ans. Notre génération a largement dépassé ce temps-là. Donc, il est temps de céder le pouvoir à ceux qui nous suivent. », a conclu l’ancien chef.

 

 Abondant dans le même sens, M. Bodi Anatole, adjoint du chef sortant révèle qu’ils sont au pouvoir depuis 2009 jusqu’à présent, alors que depuis 2003, le pouvoir devrait être transmis.  

« Dès qu'on te donne le pouvoir coutumier, tu as automatiquement l'autorité, tu gère le village, et l'arrêté suit après. Quand nous avons pris le pouvoir en 2009, ce n’est qu’en 2018 que nous avons reçu l’arrêté préfectoral, c’est-à-dire neuf ans après. Maintenant à son tour, il dit que l’actuel chef n'a pas l'arrêté, donc c'est lui qui gère. On lui dit non. », a déclaré d’emblée M. Bodi.

Selon lui, c’est d’abord la tradition, puis l'administration vient entériner. Le problème, c’est que l’administration le reconnaît parce qu'il a l'arrêté. Donc les courriers lui sont remis, mais il ne tient pas la population informée des décisions de l’administration, il fait de la rétention d’informations, parce qu’il ne peut pas convoquer la population à la place publique pour donner les informations ou des consignes capitales pour la bonne marche de la communauté. Et ce, parce qu’il n’est plus reconnu comme chef et de ce fait, il ne jouit d’aucune légitimité.  

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette situation interpelle les autorités étatiques sur une question fondamentale : Que vaut une personnalité reconnue par une décision administrative, si elle n’a aucune légitimité face à l’ensemble de la communauté sur laquelle elle est établie, et qui ne lui accorde aucun crédit ? 

Y. Kobo