![[Justice et impunité en Côte d'Ivoire] Une réalité choquante (Mon point de vue)](https://crocinfos.alerteinfo-mairie.com/static/news_media/news_mediaecole1741105118.jpg)
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Quatorze ans après, les paroles de l’ancien président, Aimé Henri Konan Bédié résonnent avec une acuité troublante. L'affaire M. Sanogo illustre une justice parfois perçue comme biaisée. À la réalité, l’appareil judiciaire soulève de graves interrogations sur son impartialité et son efficacité en Côte d’Ivoire.
Abidjan, Côte d’Ivoire, 4 février 2025 (crocinfos.net)---Lors de la prestation de serment du président de la Cour suprême, le 24 mai 2011, Aimé Henri Konan Bédié mettait en garde : « Sans une justice forte, garantissant les libertés individuelles et collectives, ainsi que les droits de tous les citoyens, l’État de droit que nous appelons de tous nos vœux demeurera une 25e heure que nous attendrons toujours, mais qui ne sonnera jamais. »
Et d'ajouter : « La faiblesse de la justice conduit inexorablement au délitement de tous les compartiments de l’État et, à terme, au retour à la loi du plus fort, la loi de la jungle. »
Son héritage sur cette question reste édifiant : « La vocation de la justice est simple : c’est de donner raison à celui qui a raison et tort à celui qui a tort. Notre justice doit rendre des décisions et non des services. Elle doit être la même pour tous, gouvernants ou gouvernés, riches ou pauvres, sans distinction de race, de croyance religieuse, de courants de pensée philosophiques, d'origine régionale, ethnique ou de nationalité. »
Un révélateur des dysfonctionnements judiciaires. Notre enquête sur l’affaire Sanogo met en lumière une préoccupation grandissante en Côte d’Ivoire : une justice qui, parfois, semble servir des intérêts particuliers plutôt que de garantir l'équité. De nombreux interlocuteurs expriment leur indignation. Pire encore, M. Sanogo se retrouve confronté à deux institutions censées protéger ses droits : la justice et une notaire impliquée dans une transaction litigieuse.
Les faits sont accablants. M. Dramera, acteur central de cette affaire, aurait dû être interpellé et contraint à rembourser les fonds avec intérêts. Pourtant, à ce jour, aucune action concrète de la justice ne semble avoir été engagée. Cette inertie pose une question essentielle : les institutions chargées de faire respecter la loi remplissent-elles encore leur mission ?
Une justice à géométrie variable ? Premièrement, la Chambre des notaires, censée garantir l'intégrité des transactions, aurait dû prendre des sanctions contre la notaire incriminée. Une telle affaire ternit la crédibilité de la profession et pose une question de fond : comment continuer à faire confiance aux notaires si des irrégularités manifestes restent impunies ?
‘’Si aucune sanction n'est prise par l'Inspection générale de la justice contre les responsables, le sentiment d'impunité et de protection des élites ne fera que s'accroître.’’
Deuxièmement, le Pôle pénal économique et financier (PPEF), pourtant reconnu pour sa rigueur, peine à faire avancer la procédure. Pourquoi cette lenteur dans un dossier qui semble pourtant clair ? Cette inertie renforce l’idée d'une justice à deux vitesses, où certains bénéficient d’une clémence inacceptable.
L'affaire Sanogo n'est que la partie visible d'un problème plus profond. Elle met en exergue la difficulté pour de nombreux citoyens d'accéder à une justice impartiale et rapide. Si aucune sanction n'est prise par l'Inspection générale de la justice contre les responsables, le sentiment d'impunité et de protection des élites ne fera que s'accroître.
Le PPEF doit réagir avec diligence pour restaurer la confiance des citoyens. De son côté, la Chambre des notaires doit assumer son rôle de régulateur en sanctionnant les fautes professionnelles. Car une justice qui tarde à dire le droit devient, par essence, une injustice.
Sériba Koné