IRI alerte sur la présidentielle ivoirienne
À moins d’un mois de la présidentielle ivoirienne, l’Institut républicain international (IRI) appelle, dans un rapport publié sur www.iri.org, à lever les obstacles menaçant un scrutin crédible, transparent et pacifique.
Abidjan, 27 septembre 2025 (crocinfos.net) – À moins d’un mois d’une présidentielle à haut risque, l’Institut républicain international (IRI) appelle les autorités ivoiriennes à lever les obstacles à un scrutin « crédible, transparent et pacifique », au terme d’une mission d’évaluation menée du 22 au 26 septembre. Son rapport complet a été publié le 26 septembre sur le site officiel de l’institution, www.iri.org.
Une mission pour « tester la solidité démocratique »
L’IRI, organisation américaine à but non lucratif et non partisane, a dépêché à Abidjan une délégation conduite par son président, Daniel Twining, et Dana White, membre de son conseil d’administration. Les émissaires ont rencontré plus de 70 interlocuteurs : représentants de la Commission électorale indépendante (CEI), du Conseil constitutionnel, du ministère de l’Intérieur, formations politiques de tout bord et organisations de la société civile.
Objectif : jauger l’environnement politique, juridique et sécuritaire avant le scrutin présidentiel du 25 octobre, dans un pays encore marqué par les violences électorales de 2000, 2010 et 2020.
Un contexte sous tension
La Côte d’Ivoire s’affirme comme moteur économique régional, mais demeure exposée aux menaces djihadistes venues du Sahel et aux turbulences géopolitiques liées à l’Alliance des États du Sahel (AES). Le président Alassane Ouattara, en quête d’un quatrième mandat controversé, fait face à une opposition fragilisée : plusieurs figures majeures du PDCI-RDA, du PPA-CI et du FPI ont été écartées par le Conseil constitutionnel pour des motifs de nationalité, de parrainages ou de condamnations judiciaires.
Les manifestants qui dénoncent ces disqualifications, ainsi que la candidature d’Ouattara, ont déjà battu le pavé à Abidjan en août et septembre. Des arrestations qualifiées d’« arbitraires » par certains observateurs entretiennent la crainte d’une résurgence de violences.
Des carences jugées préoccupantes
Dans sa déclaration publiée sur www.iri.org, la délégation identifie cinq points critiques :
une compétition politique limitée par l’exclusion de candidats majeurs ;
une apathie électorale et une privation du droit de vote liée à la clôture des inscriptions en novembre 2024 ;
un manque de transparence dans la vérification des parrainages ;
des cas signalés de harcèlement et d’intimidation de militants ;
l’absence d’un calendrier électoral public détaillé.
La CEI, considérée techniquement compétente, a enregistré 715 006 nouveaux électeurs lors de la dernière révision, portant le total à 8,7 millions, soit bien moins que les quelque 12,5 millions de citoyens en âge de voter estimés par plusieurs acteurs. L’institution n’a pas prévu de révision en 2025, ce qui prive de nombreux jeunes de leur premier vote.
Information polarisée et rumeurs
Le rapport dénonce aussi un climat informationnel « fragile ». Médias traditionnels et réseaux sociaux sont fortement politisés. Les fausses nouvelles, parfois générées par l'intelligence artificielle, circulent largement, alimentées par une faible culture numérique et des ingérences étrangères présumées, notamment de réseaux liés à l’AES ou à la Russie.
Si la loi ivoirienne protège les sources des journalistes, la législation de 2024 sur les communications électroniques criminalise certaines publications numériques, faisant craindre un effet dissuasif sur l’investigation. Reporters sans frontières a d’ailleurs rétrogradé le pays de la 53e à la 64e place mondiale pour la liberté de la presse.
Appel à des mesures immédiates
Dans un esprit « de coopération internationale », l’IRI recommande plusieurs actions avant le scrutin :
accélérer la distribution des cartes d’électeur et renforcer l’éducation civique, en particulier en zone rurale ;
publier un calendrier électoral complet pour accroître la transparence ;
garantir l’égalité d’accès de tous les candidats aux médias publics ;
libérer les sympathisants de l’opposition détenus sans inculpation ;
enquêter sur toute infraction ou violence électorale ;
protéger les journalistes contre le harcèlement et les arrestations ;
intensifier la lutte contre la désinformation en ligne et promouvoir la culture numérique.
Réformes post-scrutin souhaitées
Après le 25 octobre, l’IRI préconise :
l’instauration d’un mécanisme d’appel pour les candidats disqualifiés ;
une mise à jour annuelle automatique des listes électorales et un enregistrement continu ;
une campagne nationale pour fournir cartes d’identité et certificats de naissance à tous les citoyens ;
un soutien accru aux partis pour améliorer la sélection de leurs candidats et favoriser la représentation des femmes et des jeunes.
Préserver la stabilité régionale
« L’intégrité du scrutin ivoirien a une résonance qui dépasse ses frontières », souligne la mission sur www.iri.org, rappelant l’influence économique d’Abidjan en Afrique de l’Ouest et les risques de contagion régionale en cas de crise. L’IRI insiste sur la responsabilité partagée du gouvernement, de la CEI, des partis et de la société civile pour garantir un processus inclusif et éviter toute violence.
Alors que la campagne officielle doit s’ouvrir début octobre, le rapport se veut à la fois avertissement et feuille de route : il invite les autorités à « mettre en œuvre sans délai les mesures réalisables » et à engager des réformes plus profondes « pour jeter les bases d’élections crédibles et représentatives ».
Athanase Kangah