Issia, le 28 octobre 2025 (Crocinfos) – Le paisible village de Nahio, situé dans le département d’Issia, a toujours incarné un modèle de cohabitation harmonieuse entre autochtones et allogènes. Terre d’accueil, Nahio a bâti sa réputation sur les valeurs de tolérance, de solidarité et de convivialité, aujourd’hui mises à rude épreuve à la suite des violences survenues le samedi 25 octobre 2025, au lendemain du scrutin présidentiel.

La vue d'un lieu incendié. Ph.Dr

Dans un communiqué publié ce lundi, le Procureur de la République près le tribunal de première instance d’Issia, Janvier Olivier Yao, est revenu sur les faits ayant endeuillé la localité. Selon ses précisions, un groupe conduit par Gomelin Marcelin Digbeu s’est opposé au déroulement normal du vote, barricadant les voies d’accès à la sous-préfecture et empêchant l’acheminement du matériel électoral. Cette attitude a provoqué la colère d’habitants désireux d’exercer leur droit de vote, débouchant sur des affrontements qui ont dégénéré dans la nuit.

Les forces de défense et de sécurité, rapidement déployées, ont permis de rétablir l’ordre. Toutefois, le bilan demeure lourd : trois morts, dix-neuf blessés et de nombreux dégâts matériels. Le Procureur a présenté ses condoléances aux familles éplorées et exprimé sa solidarité aux blessés, tout en annonçant l’ouverture d’une enquête judiciaire pour situer les responsabilités. Il a également appelé les populations au calme, à la retenue et à la reprise de leurs activités quotidiennes, soulignant la nécessité de préserver la paix sociale.

Mais au-delà du drame, Nahio pleure la perte d’une harmonie communautaire patiemment construite. Ce village, qui a toujours su accueillir des familles venues d’autres régions du pays, se retrouve aujourd’hui meurtri par un conflit dont les causes paraissent davantage politiques que sociales.

« Nahio n’a jamais connu de divisions ethniques ou religieuses. Ici, nous avons toujours partagé la même eau, la même terre et les mêmes fêtes », confie un notable rencontré sur place.

La rencontre de Sofitel Hôtel Ivoire du mardi 28 octobre. Ph. fdedeh.info

Les habitants s’accordent à dire que la politique politicienne ne doit pas déchirer le tissu social d’un village qui a fait de la fraternité son identité. « Ce qui s’est passé n’est pas Nahio. Ce sont des passions électorales qui ont pris le dessus », témoigne une résidente.

La mort tragique de Gomelin Marcelin Digbeu, présenté comme l’instigateur des troubles et lynché par la foule, demeure un épisode douloureux pour tous. Beaucoup appellent à la retenue et à la recherche de la vérité, afin d’éviter que la haine ne s’enracine durablement.

Le président du Conseil régional du Haut-Sassandra, Touré Mamadou, s’est montré ferme mardi 28 octobre 2025 à Sofitel Hôtel Ivoire lors de la rencontre des cadres et élus de cette région quant aux poursuites judiciaires contre les auteurs des exactions. Selon fdedeh.info, il a déclaré : « Les enquêtes ont commencé à Saioua et à Nahio. Tous ceux qui seront reconnus responsables, dans tous les camps, répondront de leurs actes et agissements devant la justice. »

Une victime des affrontements. Ph.Dr

De son côté, Mme Logboh Myss Belmonde Dogo, ministre de la Cohésion nationale, de la Solidarité et de la Lutte contre la Pauvreté, se rendra à Nahio le vendredi 7 novembre 2025 au nom du gouvernement pour soutenir les populations. L’État a déjà décidé de prendre en charge les frais médicaux des blessés et d’assurer leur suivi psychologique. « Que les mutuelles et les cadres jouent leur partition. Agissons ensemble pour ramener le calme », a exhorté la ministre.

Selon fdedeh.info, le ton des échanges lors d’une réunion des cadres d’Issia et de Saioua a été particulièrement grave :

« Nous devons avoir honte des tueries en 2025. Nous devons créer les conditions d’une solidarité et d’une fraternité véritables. »

Les personnes présentes à la rencontre tentent de dissimuler difficilement la tristesse. Ph. fdedeh.info

Les anciens du village, soutenus par les leaders communautaires, envisagent d’organiser des rencontres de réconciliation afin de restaurer la confiance entre habitants. Leur objectif : rappeler que les divergences politiques ne doivent jamais effacer les liens humains.

Alors que l’enquête suit son cours, un message s’impose dans les cœurs : Nahio doit rester Nahio, ce village symbole d’un vivre-ensemble exemplaire, que rien – pas même une élection présidentielle – ne saurait briser.

Gonnin Tia, correspondant régional