Maître Ange Rodrigue Dadjé. Ph.Dr.
L’avocat ivoirien Ange Rodrigue Dadjé a plaidé à la télévision pour que le Conseil constitutionnel engage un « revirement jurisprudentiel », afin de réparer les injustices électorales subies par Tidjane Thiam et d’autres figures politiques.
Abidjan, 6 septembre 2025 (crocinfos.net)–À quelques jours de la décision du Conseil constitutionnel sur la recevabilité des candidatures à l’élection présidentielle, l’avocat Ange Rodrigue Dadjé, conseil du président du PDCI-RDA, Tidjane Thiam, a livré son analyse juridique lors de l’émission ‘’Le Grand Talk’’ du 4 septembre 2025, diffusée sur Life TV.
S’exprimant sur l’état d’esprit de son client, maître Dadié a affirmé que la défense demeurait « sereine et respectueuse » de la décision à venir, tout en rappelant qu’« aucun candidat n’est à l’abri d’une élimination », les textes étant « sujets à des interprétations divergentes ».
Constitution et Code électoral en contradiction. Selon l’avocat, le cœur du débat se situe dans l’articulation entre la Constitution ivoirienne et le Code électoral. « L’article 55 de la Constitution fixe clairement les conditions d’éligibilité : être Ivoirien d’origine par le père ou la mère, avoir au moins 35 ans et jouir de ses droits civils et politiques », a-t-il précisé.
Ces dispositions, poursuit-il, « sont reprises presque à l’identique par l’article 43 du Code électoral », à l’exception d’une mention relative au vice-président. En revanche, l’article 48 du même code, qui exige l’inscription préalable du candidat sur la liste électorale, constitue selon lui « une mesure accessoire » et non une condition substantielle d’éligibilité. « On ne peut pas ériger une disposition administrative en barrière constitutionnelle », a insisté maître Dadié, dénonçant une contradiction manifeste entre les textes.
Une radiation contestée
Concernant la situation de son client, l’avocat a dénoncé « un manquement au respect de la loi » lors de la révision de la liste électorale. Selon lui, si les délais légaux avaient été scrupuleusement respectés, « M. Thiam serait inscrit ». La radiation de l’ancien dirigeant du Crédit Suisse ne saurait dès lors être interprétée comme un contentieux portant sur sa nationalité, a-t-il ajouté.
S’appuyant sur les travaux du juriste et ancien ministre Ibrahim Cissé Congo, maître Dadjé a rappelé que la décision du Conseil constitutionnel ayant écarté, dans le passé, la candidature d’Alassane Ouattara avait été rendue « en violation de la loi », la juridiction saisie n’ayant pas compétence pour trancher une question de nationalité. « De la même manière, la radiation de M. Thiam ne saurait être assimilée à un procès en nationalité », a-t-il martelé.
Le cas Gbagbo : « des violations manifestes »
Au-delà du cas de son client, maître Dadié a évoqué celui de Laurent Gbagbo, radié de la liste électorale à la suite de sa condamnation pénale. L’ancien chef de l’État aurait été victime, selon lui, de « violations manifestes du droit » : absence d’autorisation parlementaire avant les poursuites, extradition vers la CPI en méconnaissance du principe de non-extradition des nationaux, et condamnation en son absence, alors qu’aucune convocation ne lui avait été signifiée.
« Le Conseil constitutionnel a la plénitude de juridiction pour réparer de telles injustices », a soutenu l’avocat, appelant à un « revirement jurisprudentiel » en faveur d’une lecture plus conforme à la Constitution.
Le droit en mouvement
Reconnaissant que la haute juridiction a pu rendre par le passé des arrêts controversés, maître Dadjé a souligné que le droit admet « la notion de revirement jurisprudentiel ». « Comme la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA l’a fait en matière commerciale, le Conseil constitutionnel peut évoluer et revenir sur certaines positions », a-t-il expliqué, citant l’exemple du changement de doctrine de la CCJA sur l’immunité d’exécution des entreprises publiques.
Des élections « inclusives et apaisées »
Tout en saluant « la qualité et l’intégrité » des juges, notamment la présidente Chantal Camara, qu’il a qualifiée de « l’une des meilleures magistrates de sa génération », l’avocat a exprimé le vœu que l’institution permette « une élection inclusive et apaisée ».
Selon lui, le président sortant Alassane Ouattara « n’a aucun problème pour remporter le scrutin au regard de son bilan » et pourrait dès lors accepter la compétition avec ses principaux adversaires. « La justice peut corriger ses propres erreurs. Le Conseil constitutionnel a les moyens de rendre une décision qui garantisse l’équité et la confiance », a conclu maître Dadjé.
Athanase Kangah