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[Côte d’Ivoire – Bénin / Droits humains] Un journaliste béninois réfugié au Togo expulsé vers Cotonou et incarcéré

[Côte d’Ivoire – Bénin / Droits humains] Un journaliste béninois réfugié au Togo expulsé vers Cotonou et incarcéré

Hugues Comlan Sossoukpè, journaliste d’investigation béninois, réfugié politique au Togo depuis 2021

Hugues Comlan Sossoukpè, journaliste béninois réfugié au Togo depuis 2021, a été arrêté en Côte d’Ivoire puis expulsé vers le Bénin, où il a été incarcéré malgré son statut de réfugié politique reconnu.

Abidjan, 15 juillet 2025 (crocinfos.net)---Hugues Comlan Sossoukpè, journaliste d’investigation béninois, réfugié politique au Togo depuis 2021 en raison de ses enquêtes critiques visant le régime béninois, a été expulsé vers son pays d’origine par les autorités ivoiriennes. Dans son communiqué du lundi 14 juillet, Reporters sans Frontières (RSF) a mentionné le transfert du journaliste à Cotonou à bord d’un avion privé affrété pour l’occasion, puis immédiatement incarcéré.

Cette expulsion suscite une profonde indignation au sein des organisations de défense des droits humains, tant elle semble violer le principe fondamental de non-refoulement applicable aux réfugiés politiques. En effet, son statut de protégé international, accordé par le Togo où il vivait en exil depuis sept ans, est inscrit noir sur blanc dans son passeport, ce que RSF a pu vérifier.

Trois chefs d’accusation pèsent désormais sur lui, selon un mandat d’arrêt émis par la Cour de Répression des Infractions Économiques et du Terrorisme (CRIET) au Bénin : « harcèlement par le biais d’un système informatique », « rébellion » et « apologie du terrorisme ». Des incriminations jugées « standards et automatiques » par plusieurs observateurs familiers du régime béninois.

Contacté par RSF, le porte-parole du gouvernement béninois, Wilfried Léandre Houngbedji, a simplement déclaré que le journaliste « aura l’occasion de répondre des accusations portées contre lui », sans toutefois fournir la moindre précision sur les conditions de son arrestation. Sollicité également, son homologue ivoirien, Amadou Coulibaly, est resté silencieux.

À lire sur le même sujet👉:https://www.crocinfos.net/article/1422-arrestation-de-hugues-sossoukpe-ses-avocats-denoncent-une-violation-de-ses-droits-et-exigent-des-explications

Ironie du sort, Hugues Comlan Sossoukpè s’était rendu en Côte d’Ivoire sur invitation officielle du ministère ivoirien de la Transition numérique et de la Digitalisation afin de couvrir un salon régional sur l’innovation digitale, en qualité de « journaliste reconnu de la sous-région ». Il était loin d’imaginer qu’il serait livré aux autorités de son pays par ceux-là mêmes qui l’avaient invité et accueilli.

Dans un communiqué de presse publié le 13 juillet 2025 depuis Paris, son collège d’avocats – qui assure sa défense – a fermement dénoncé cette expulsion :

« Nous précisons, avec la plus grande fermeté, que toute interpellation de Monsieur Sossoukpè opérée en violation de son statut de protégé international, hors de toute procédure judiciaire régulière et sans l’assistance d’un avocat, ne saurait, en aucun cas, être considérée comme une interpellation, une extradition ou une détention provisoire au sens du droit. Il s’agit d’un abus, dont les auteurs et complices devront répondre devant les juridictions compétentes, tant nationales qu’internationales, aujourd’hui comme demain. »

Cette affaire met en lumière la fragilité du statut des réfugiés politiques en Afrique de l’Ouest. Le mutisme des autorités ivoiriennes, dans un contexte aussi grave, suscite des interrogations au sein de la communauté internationale, mais également parmi les réfugiés politiques résidant sur le sol ivoirien. À qui le prochain tour ? Comme si cela n’arrivait qu’aux autres.

En Afrique, chacun reste un réfugié en sursis. Qui aurait imaginé Ali Bongo, l’ancien président tout-puissant du Gabon, trouver refuge hors de son pays après sa chute ? En effet, le président gabonais Brice Clotaire Oligui Nguéma autorisait, en mai 2025, l’exil de la famille Bongo. L’ancien chef de l’État, son épouse Sylvia Bongo Valentin et leur fils Noureddin, jusque-là détenus, ont trouvé refuge à Luanda, la capitale angolaise.


Sériba Koné