La cybercriminalité, un vrai crime sous nos yeux
Deux jeunes hommes, dont un étudiant de 24 ans se faisant passer pour une héritière fictive, ont reconnu avoir escroqué 1,2 milliard FCFA à un Belge. Le parquet a requis dix ans de prison ferme. Verdict le 15 juillet.
Abidjan, le 4 juillet 2025 (crocinfos.net) – Scène inhabituelle au Pôle pénal économique et financier. Deux jeunes Ivoiriens comparaissaient cette semaine pour avoir escroqué la somme colossale de 1,2 milliard FCFA à un ressortissant belge, à travers une opération de cybercriminalité savamment orchestrée.
L’un d’eux, âgé de 24 ans et présenté comme le cerveau du réseau, s’est fait passer pour une certaine Nathalie Portier, prétendue riche héritière bloquée par des procédures pour accéder à un héritage estimé à 310 millions d’euros (217 milliards FCFA). Avec la complicité de son ami de quartier, entrepreneur à Anyama, ils ont appâté leur victime belge, lui promettant la moitié de la fortune ainsi qu’un bonus de 10 % en échange de son aide. Des promesses qui ont convaincu le plaignant d’envoyer progressivement plus d’un milliard FCFA, à travers des transferts complexes et des comptes virtuels ouverts en France, le tout sur la base de faux documents administratifs et judiciaires.
À la barre, les deux prévenus n’ont pas contesté les faits. « Nathalie Portier » a toutefois reconnu n’avoir perçu que 45 à 50 millions FCFA du montant total, tandis que son acolyte parlait d’un million FCFA. Pour le parquet, les preuves sont accablantes, d’autant que l’enquête révèle l’acquisition de plusieurs véhicules par le chef de bande grâce à ces fonds frauduleux. Le procureur a requis dix ans d’emprisonnement ferme assortis d’une amende de 100 millions FCFA. L’avocat du plaignant belge s’est constitué partie civile. Le verdict est attendu le 15 juillet 2025.
D’autres affaires de cybercriminalité devant le tribunal
La même audience a été marquée par la comparution d’un groupe de jeunes prévenus, détenus pour des faits similaires, suite à une dénonciation des autorités suisses par commission rogatoire internationale. Visages fermés, regards hagards, ils ont écouté la présidente du tribunal leur expliquer la gravité des charges pesant sur eux.
« Vous savez pourquoi vous êtes là ? La Suisse a saisi la Côte d’Ivoire car vous utilisez internet pour soutirer de l’argent », a-t-elle déclaré avec fermeté, avant de rappeler : « Si le tribunal est convaincu, vous risquez entre 10 et 20 ans de prison. »
Les accusés, démunis et sans avocat, sont restés silencieux. La partie civile a sollicité un renvoi afin de mieux s’imprégner du dossier. La présidente l’a accordé, tout en rappelant à la jeune stagiaire l’importance de formuler ses requêtes avant l’appel du dossier. L’affaire a été renvoyée au 15 juillet 2025, la présidente enjoignant aux prévenus de prévenir leurs familles pour se faire assister par des conseils.
Leçon de droit en pleine audience
Au cours d’une autre affaire examinée ce mercredi, l’avocat de la défense a dénoncé l’absence d’avocats durant les 15 jours de garde à vue de ses clients à la DST. Saisissant l’occasion, le procureur a rappelé que
« le parquet général a le pouvoir de faire plier n’importe quel service de police judiciaire »
. La présidente, quant à elle, a conclu par un rappel pédagogique :
« Il faut toujours dénoncer les entraves à la Justice. Même sans garantie de gain de cause, il faut saisir les institutions. »
Enfin, l’audience s’est achevée sur un trait d’humour. Un avocat de la défense, saluant la conduite exemplaire du tribunal, a lancé : « Le tribunal a jugé les faits avec magistria… », arrachant quelques sourires discrets dans la salle d’audience.
Information, Fernand Dédeh depuis le PPEF