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C R O C I N F O S

[De la CEI en 2009 à Abidjan.net en 2025] Un défi toujours d’actualité en Côte d’Ivoire

[De la CEI en 2009 à Abidjan.net en 2025] Un défi toujours d’actualité en Côte d’Ivoire

Capture d’écran symbolisant la polémique autour d’Abidjan.net avant la présidentielle 2025.

À la veille du scrutin présidentiel, Abidjan.net est accusé d’avoir publié de faux résultats. L’affaire rappelle l’incident du site de la CEI en 2009, symbole des défis persistants de la cybersécurité électorale.

Abidjan, le 25 octobre 2025 (crocinfos)– À vingt-quatre heures du scrutin présidentiel, la sérénité du climat électoral ivoirien a été ébranlée par un incident survenu sur le site Abidjan.net, l’un des principaux médias en ligne du pays. Accusé d’avoir diffusé, avant même l’ouverture des bureaux de vote, de faux résultats électoraux, le site s’est empressé de parler d’une simple « erreur d’affichage de données ». Une explication qui n’a pas empêché la Commission Électorale Indépendante (CEI), par l’entremise du Cabinet d’Avocats Binta Bakayoko, de déposer une plainte officielle pour publication de fausses nouvelles et atteinte à l’ordre public.

Cet incident n’est pas sans rappeler un précédent survenu seize ans plus tôt. En 2009, alors que Robert Beugré Mambé, actuel Premier ministre,  présidait la CEI (2005-2010), le site officiel de l’institution avait été victime d’un dysfonctionnement mémorable. À l’époque, alors que des millions d’Ivoiriens consultaient la liste électorale en ligne, la plateforme, conçue par une entreprise locale (Sils Technologie), avait affiché par erreur un contenu obscène, provoquant un tollé général. Malgré une réaction rapide de la Direction de la communication, ce scandale numérique avait profondément marqué les esprits et terni l’image de la Commission.

Aujourd’hui, c’est Abidjan.net, considéré comme le média numérique le plus influent de Côte d’Ivoire, qui se retrouve au centre d’une tempête médiatique similaire. Le 24 octobre 2025, en début d’après-midi, des données présentées comme les résultats de l’élection présidentielle sont apparues brièvement sur la page d’accueil du site avant d’être retirées. Capturées par plusieurs internautes, ces informations ont aussitôt envahi les réseaux sociaux, semant confusion et indignation parmi les électeurs et suscitant des interrogations sur l’intégrité du processus électoral.

Face à l’ampleur de la polémique, la direction d’Abidjan.net a réagi dans la soirée en publiant un communiqué d’excuses. Le média y explique qu’un « dysfonctionnement technique » est survenu lors d’une opération de mise à jour de la plateforme dédiée au suivi des résultats. Selon cette version, les données affichées provenaient d’une simulation interne réalisée avant le scrutin, dans le cadre des essais techniques préparatoires. « Le scrutin n’ayant pas encore eu lieu, les données publiées ne constituent en aucun cas des résultats réels ou officiels », précise le texte.

L’équipe technique assure avoir identifié et corrigé immédiatement la faille, tout en annonçant un renforcement des dispositifs de sécurité et de contrôle qualité pour prévenir tout incident futur. Le média, conscient de la gravité de la situation, a présenté ses excuses publiques à ses lecteurs et à ses partenaires institutionnels, réaffirmant son attachement à l’exactitude, à la neutralité et à la fiabilité de l’information.

Cependant, du côté de la CEI, la réaction est ferme. Dans un communiqué transmis à la presse, Me Binta Bakayoko, avocate de l’institution, estime que la publication de tels contenus, même involontaire, « porte gravement atteinte à la crédibilité du processus électoral, induit la population en erreur et menace la paix sociale ». La plainte déposée auprès des autorités judiciaires vise non seulement à faire constater les infractions, mais aussi à rappeler le caractère sacré de la vérité de l’information en période électorale.

La note d'excuse d'abidjan.net


Pour certains observateurs, cette affaire met en lumière les défis croissants de la cybersécurité en contexte électoral. Interrogé par notre rédaction, un expert en cybersécurité, ayant requis l’anonymat, évoque une situation « malheureuse mais techniquement explicable ». Selon lui, « le cas observé sur Abidjan.net survient à un moment particulièrement sensible, où la moindre anomalie peut être interprétée comme une manipulation ».

L’expert avance deux pistes : « L’incident peut provenir d’une erreur interne, notamment si la manipulation s’est faite directement sur le site en production au lieu d’une version de test. Mais il peut aussi résulter d’une attaque externe, menée par des cybercriminels cherchant à discréditer le média ou à semer le doute sur le processus électoral ». Et de conclure : « C’est un problème complexe à élucider. Seule une enquête approfondie et rigoureuse permettra d’en déterminer la véritable origine ».

À l’heure où la Côte d’Ivoire s’apprête à vivre une nouvelle étape de sa vie démocratique, cette affaire Abidjan.net rappelle que la cybersécurité électorale demeure un enjeu majeur, tout comme en 2009. Dans un environnement où l’opinion publique se forge désormais en ligne, la vigilance et la transparence restent les meilleurs remparts contre la désinformation et la manipulation numérique.


Charles Kpan