Le Mauritanien Sidi Ould Tah a été élu à la tête de l’institution panafricaine avec 76,18 % des voix
Élu avec 76,18 % des voix, le Mauritanien Sidi Ould Tah devient le nouveau président de la Banque africaine de développement. Un choix stratégique, entre diplomatie arabe, bilan impressionnant et ambition panafricaine affirmée.
Abidjan, le 29 mai 2025 (crocinfos.net)---En seulement trois tours de scrutin, la Banque africaine de développement (BAD) a trouvé son nouveau leader. Le Mauritanien Sidi Ould Tah a été élu à la tête de l’institution panafricaine avec 76,18 % des voix, surpassant largement ses concurrents : le Zambien Samuel Maimbo (20,26 %) et le Sénégalais Amadou Hott (3,55 %). Le Tchadien Mahamat Abbas Tolli et la Sud-Africaine Swazi Tshabalala ont été écartés dès les premières étapes du vote.
C’est donc un nouveau chapitre qui s’ouvre pour la BAD, avec un neuvième président qui incarne une double identité stratégique : entre Afrique subsaharienne et monde arabe. Entré tardivement en campagne, Sidi Ould Tah a su tirer profit de l’influence diplomatique de la Mauritanie, boostée par la présidence de l’Union africaine assurée par Mohamed Ould Ghazouani en 2024. Mais surtout, il a pu capitaliser sur ses liens solides avec les pays de la Ligue arabe, notamment grâce au soutien actif de l’Arabie saoudite.
Un bilan impressionnant à la Badea. Depuis dix ans, Ould Tah dirigeait la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea). Sous sa houlette, l’institution a vu son volume annuel d’approbations multiplié par 12 et celui des décaissements par 8. La note de crédit de la Badea, rehaussée en mai à AA+ par S&P, témoigne de cette transformation. « Les créances douteuses sont passées de plus de 10 % à moins de 0,5 % », a-t-il souligné durant la campagne.
Une vision opérationnelle et réformatrice. Ancien ministre de l’Économie et des Finances en Mauritanie, Sidi Ould Tah met en avant une « vision à 360° des enjeux de développement », qu’il entend appliquer dès sa prise de fonction officielle le 1er septembre. Son équipe restreinte commence d’ailleurs l'intégration à la BAD dès le lendemain de l’annonce de sa victoire.
Son prédécesseur, le Nigérian Akinwumi Adesina, laisse une institution en bonne santé financière, avec 310 millions d’euros de résultat net en 2024 et un volume d’approbations record de 10,6 milliards d’euros. Pourtant, certains observateurs estiment que la BAD, malgré sa taille, reste en retrait face à d’autres banques multilatérales. « Le nouveau président devra optimiser le bilan et accroître le capital libéré », note Serge Ekué, président de la BOAD.
Une nouvelle stratégie dans la continuité des “High 5”. La BAD dispose déjà d’une stratégie décennale 2024-2033, centrée sur les “High 5” : nourrir, éclairer, intégrer, industrialiser l’Afrique et améliorer la qualité de vie. Mais comme Adesina en son temps, Ould Tah entend la réorienter. Sa campagne s’est articulée autour du programme des « Quatre points cardinaux » :
- Réformer l’architecture financière africaine,
- Transformer le dividende démographique en force économique,
- Industrialiser l’Afrique et valoriser ses ressources naturelles,
- Mobiliser massivement des capitaux.
Ce dernier axe a visiblement convaincu les actionnaires : « Le monde de l’aide au développement financée par l’Occident est mort. L’Afrique doit aller chercher l’argent là où il est », tranche encore Serge Ekué. Et qui mieux que Sidi Ould Tah pour parler aux investisseurs arabes et internationaux ?
Un style sobre mais une ambition affirmée. Contrairement à Adesina, très médiatique, Sidi Ould Tah se veut discret, méthodique, et concentré sur les résultats. Son défi : transposer à la BAD le modèle de performance et de crédibilité bâti à la Badea, tout en amplifiant l’impact de l’institution sur le terrain. Une tâche immense, mais à la hauteur de son parcours.
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