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[Côte d’Ivoire Législatives 2025] Des grincements de dents au RHDP, le cas Kologo à Bouaflé, symbole d’une base qui s’interroge

[Côte d’Ivoire  Législatives 2025] Des grincements de dents au RHDP, le cas Kologo à Bouaflé, symbole d’une base qui s’interroge

L'Assemblée nationale de Côte d'Ivoire

À Bouaflé, le cas Kologo Harouna cristallise les frustrations internes du RHDP. Malgré son engagement local et son rôle clé dans la diaspora, son absence sur la liste des candidats législatifs soulève des interrogations sur la gestion des ambitions politiques et l'équilibre entre loyauté au parti et écoute de la base.

Abidjan, le 11 novembre 2025 (crocinfos.net)---Après la brillante victoire du candidat du RHDP à la présidentielle d’octobre 2025, couronnée par un score historique de 89,77 % des suffrages exprimés, l’heure aurait pu être à la sérénité et à la consolidation des acquis politiques. Pourtant, à peine la liste définitive des candidats investis pour les législatives publiée, le parti présidentiel se retrouve confronté à une vague de frustrations internes. Des grincements de dents, parfois étouffés, parfois audibles, se font entendre jusque dans les bastions les plus fidèles au Président Alassane Ouattara.

Car, au lendemain de la victoire présidentielle, les ambitions législatives ont réveillé les appétits politiques, ravivé les rivalités locales et mis en lumière les équilibres souvent fragiles entre discipline du parti et légitimité populaire. Dans ce contexte de recomposition interne, chaque région devient un microcosme où s’exprime la tension entre fidélité à la ligne et aspiration au mérite. Après avoir mouillé le maillot pour le candidat du parti à la présidentielle, l'heure est à l'expression des ambitions politiques individuelles pour des questions de leadership régional et de prestige politique.


Un casse-tête politique à l’ivoirienne

Comme dans tout grand parti structuré, le RHDP a dû faire face à l’éternelle équation électorale : qui choisir, pour laisser qui ?

Comment concilier la logique institutionnelle, qui privilégie les figures ministérielles et les cadres de haut rang, avec la réalité du terrain, où certains acteurs de proximité incarnent la vitalité et la fidélité militante du parti ?

Dans de nombreuses circonscriptions, les “primaires internes” ont vu s’affronter des figures bien établies : ministres, élus sortants, opérateurs économiques, jeunes leaders émergents… tous mus par un même désir : servir le Président, servir le parti, servir la Nation. Mais à l’arrivée, le couperet des arbitrages a laissé un goût amer à plusieurs acteurs de terrain, dont la loyauté et l’engagement ne sont plus à démontrer.

Des cas comme Touré Souleymane à Bouaké, Sidiki Konaté à Man, Anzoumana Ouattara à Bondoukou, Nabo Clément à San Pedro ou encore Kologo Harouna à Bouaflé pour ne citer que ces cas emblématiques, symbolisent ces zones de tension entre reconnaissance institutionnelle et reconnaissance populaire. Des profils solides, enracinés, qui paient parfois le prix de l’équilibre global recherché par la direction du parti.


Bouaflé : le cas Kologo, un symbole qui interpelle

Harouna Kologo dans le peuple avec son peuple


À Bouaflé, bastion historique du RDR devenu RHDP, le cas Kologo Harouna cristallise les discussions. Homme d’affaires prospère, philanthrope discret mais constant, responsable Afrique du RHDP lors des dernières élections présidentielles, il s’est imposé au fil des ans comme l’un des relais les plus actifs du parti dans la diaspora africaine. Sur ses fonds propres, il a sillonné le continent pour mobiliser, fédérer et soutenir les structures du parti à travers les pays africains, contribuant à un score record de plus de 92 % des suffrages en faveur du Président Alassane Ouattara sur ce segment.

Comment concilier la logique institutionnelle, qui privilégie les figures ministérielles et les cadres de haut rang, avec la réalité du terrain, où certains acteurs de proximité incarnent la vitalité et la fidélité militante du parti ?

Localement, à Bouaflé, son nom rime avec proximité, solidarité et engagement social. Depuis plus d’une décennie, il multiplie les dons aux communautés, aux détenus, aux structures de jeunesse et aux familles démunies. Dans l’esprit de nombreux habitants, il est devenu le visage humain du parti, celui qui reste présent lorsque les caméras s’éteignent.

Pourtant, sa candidature à l’investiture législative n’a pas été retenue, au profit du ministre Koné Adama, personnalité de haut rang du parti mais jugée plus distante de la base locale. Si nul ne conteste la compétence du ministre, beaucoup au sein des structures RHDP de Bouaflé s’interrogent : le parti a-t-il choisi le profil le plus à même de garantir la victoire, dans une localité où la proximité compte parfois plus que les titres ?

Entre fidélité au parti et écoute de la base : l’équilibre délicat

Les plus lucides des observateurs le savent : la discipline du parti est le socle même de la cohésion du RHDP. Elle a permis la stabilité du mouvement, la victoire du Président et la gouvernabilité du pays. Mais la vitalité démocratique interne repose aussi sur l’écoute des signaux du terrain, sur la reconnaissance de ces profils “de l’ombre” qui maintiennent la flamme militante allumée.

C’est tout l’enjeu du moment : éviter que la frustration ne se transforme en défiance.

Sidiki Konaté s'interroge


À Bondoukou, le Maire Anzoumana Ouattara, fort de son ancrage communal, riche de sa proximité et auréolé de sa popularité grandissante, a finalement consulté sa base avant de franchir le rubicon en officialisant sa candidature en tant qu'indépendant. Nouveau militant du RHDP après sa récente adhésion pour dit-il épouser la vision de développement de la Côte d'Ivoire, le jeune loup politique du Gontougo n'a pas pu taire ses ambitions personnelles au profit du choix du parti incarné par les Députés sortants Maizan Koffi Noël et Kamagaté. À Bouaké, Touré Souleymane rumine de nouveaux revers électoraux depuis plusieurs années. À Man, Sidiki Konaté se dit “incompréhensiblement mis à l’écart”. Et à Bouaflé, la base bruisse : elle ne rejette pas la ligne du parti, mais elle réclame un peu plus de considération pour ceux qui incarnent la constance sur le terrain.


Quand la loyauté devient épreuve

Le cas Kologo illustre une vérité simple : dans la politique ivoirienne moderne, la loyauté ne se mesure plus seulement aux discours ou aux titres, mais à la constance de l’action, à la capacité de bâtir des ponts entre les populations et les institutions. En ce sens, le RHDP a la chance de compter dans ses rangs des figures comme Harouna Kologo, dont la fidélité au Président et au parti ne souffre d’aucune ambiguïté.

Selon plusieurs de ses proches, l’homme reste attaché à la discipline du parti, mais consulte sa base avant toute décision finale.

Et l’un de ses soutiens résume avec une formule devenue virale à Bouaflé :

“Si l’enfant doit se rebeller pour tuer le lion et honorer son père, alors que ce soit un acte d’amour, pas de défiance.”

Une phrase lourde de sens, qui rappelle que la loyauté n’est pas soumission, mais parfois courage lucide pour préserver l’essentiel.


Le RHDP face à son propre modèle

À la veille des législatives, le RHDP reste le parti de la stabilité, de la continuité et de la vision d’Alassane OUATTARA. Mais chaque élection est aussi un moment de vérité : la base veut se sentir entendue, valorisée, respectée. Des cas comme celui de Kologo Harouna ne sont pas des défis à la discipline, mais des appels à la réflexion collective, pour un parti plus proche de ses militants et plus attentif à la réalité du terrain.

Car, au fond, c’est bien cette proximité, ce maillage humain et solidaire, qui ont fait du RHDP le plus grand parti de Côte d’Ivoire.

Et c’est ce lien-là qu’il faut entretenir, préserver et honorer, pour que la victoire du Président demeure aussi celle de ses enfants politiques, du sommet jusqu’à la base.


Une analyse de Yamba Kabré