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C R O C I N F O S

[Douanes ivoiriennes] Tout sur les agents démasqués par la Fonction publique

[Douanes ivoiriennes] Tout sur les agents démasqués par la Fonction publique

Le Général DA Pierre Alphonse, directeur général des Douanes. Ph.Dr

Un scandale secoue l’administration douanière. Après l’affaire de faux diplômes des 87 agents des douanes, la Fonction publique vient de démasquer d’autres agents aux diplômes non conformes. La Direction générale est au cœur des suspensions, détournements d’indemnités et violations du statut public. Les faits…

Abidjan, 1er avril 2025 (crocinfos.net)--- Nous précisions dans notre précédente publication qu'une promotion en douane au sein de l'École des Douanes comprend trois cycles distincts :

•      Les contrôleurs, assimilés aux lieutenants ;

•      Les inspecteurs, équivalents aux capitaines ;

•      Les administrateurs, correspondant aux commandants.

Après avoir recueilli les diplômes des élèves fonctionnaires issus de ces différents cycles, le Général Da Pierre, directeur général, des Douanes a pris la décision de ne publier que les résultats des contrôles d'authentification des diplômes des contrôleurs, occultant ceux des inspecteurs et des administrateurs de la promotion 2021. Cette information a été donnée le 4 mars 2024, par l'intermédiaire de son directeur des ressources humaines (DRH), le colonel Mea Koffi Ignace.

Quelques semaines plus tard, les inspecteurs et les administrateurs de cette même promotion ont été affectés. Certains ont été promus à des postes à responsabilité.

Face aux critiques et aux soupçons de discrimination entourant cette sélection partiale, le directeur général des Douanes a décidé de publier les résultats de tous les cycles de la promotion 2022. Cette promotion comptait 48 contrôleurs, 11 inspecteurs et 3 administrateurs. Toutefois, 87 agents ont été traduits en justice, comprenant les 28 contrôleurs de la promotion 2021 ainsi que les 48 contrôleurs et 11 inspecteurs de la promotion 2022. Par contre, les trois administrateurs de la promotion 2022 n'ont pas été touchés par la conduite judiciaire.

Certains administrateurs et inspecteurs, mentionnés, avaient été affectés, en particulier le syndicaliste Gnapy Vincent et d'autres nommés à des postes de responsabilité.

Pire encore, les résultats des inspecteurs et des administrateurs de la promotion 2021 demeurent inaccessibles. Face à cette situation, que les 87 agents concernés dénoncent comme une "discrimination", et une chasse à la sorcière. Quelques agents accusés soupçonnent même un complot de la part des administrations d'authentification qui refusent de répondre à la demande d'authentification de leur diplôme pour contredire ces allégations. « Il arrive que ce droit soit refusé à certains individus, lorsqu'il déclare être des agents des douanes », affirme un des mis en cause.

Le ministère de la Fonction publique a initié des contrôles de diplômes pour les cycles inspecteurs et administrateurs de la promotion 2021, ainsi que pour les agents incriminés. Ces vérifications ont permis de révéler que 30 agents du ministère du Budget disposant de diplômes non conformes.

Ce document achève de convaincre que le directeur général a pris des décisions hâtives, étant donné que plusieurs agents, qui ont été mis en cause par la direction des douanes, ne figurent pas sur la liste des résultats finaux des contrôles des agents de la promotion 2021, en attente leur arrêté de nomination.

Il précise qu'après investigation menés par le ministère de la Fonction publique, il a été découvert que 30 agents du ministère des Finances et du Budget auraient présenté des diplômes non reconnu.

Certains administrateurs et inspecteurs, mentionnés, avaient été affectés, en particulier Gnapy Vincent du Syndicat libre des agents des douanes de Côte d'Ivoire (SYLAD-CI) et d'autres nommés à des postes de responsabilité. Plusieurs douaniers accusent le syndicaliste d'avoir assisté à l'ignoble traitement infligé aux agents sans intervenir en tant que syndicaliste, simplement parce qu'il a décidé de préserver sa propre cause.

Afin de confondre l'administration douanière, le 18 octobre 2024, le ministère de la Fonction publique a envoyé un courrier annonçant les résultats des contrôles. Cependant, ce n'est que le 22 mars 2025 que la Direction des Douanes, mise en cause pour dysfonctionnement administratif, a enfin décidé de révéler l'identité des agents concernés, tout en omettant toujours de préciser les résultats des administrateurs. D'après certaines indiscrétions, le nombre d'agents épinglés en douane serait de 19 et non de 15. Si telle est le cas, nous nous retrouvons une fois de plus face à un double traitement évident de la part des responsables des douanes.

Du respect du statut général de la fonction publique

Depuis le début de cette affaire, les agents mis en cause, qui devraient pourtant bénéficier de la présomption d'innocence, sont victimes de diffamation et de calomnie avant même toute décision judiciaire. Pourtant, dès le 13 décembre 2023, une note de service n°005467 émanant de la ministre d’État, ministre de la Fonction publique interdisait formellement la publication et la diffusion sur les réseaux sociaux d’actes et de documents administratifs sous peine de sanctions disciplinaires et de poursuites judiciaires.

Malgré cette interdiction, des documents confidentiels, y compris l'identité des agents paramilitaires douaniers et d'autres informations sensibles, ont été diffusés sans aucune conséquence pour leurs auteurs. Ces actes constituent une violation manifeste de l’article 35 du statut général de la fonction publique.

Par ailleurs, les investigations menées par les conseillers juridiques des agents incriminés ont révélé que les indemnités des 87 agents étaient détournées au profit du service des Moyens généraux des Douanes. Face à cette situation, le conseiller juridique des mis en cause a sollicité l’intervention du ministre de tutelle et du directeur des Moyens généraux afin d’autoriser le virement des sommes dues à ces agents, dont certains sont confrontés à de graves problèmes de santé.

Malgré l’instruction expresse du ministre de tutelle rappelant les procédures à suivre conformément à l’article 99 du statut général de la Fonction publique et aux recommandations de leurs avocats, les agents concernés demeurent suspendus de toute activité et privés des avantages liés à leur statut.

Depuis le début de cette affaire, les agents mis en cause, qui devraient pourtant bénéficier de la présomption d'innocence, sont victimes de diffamation et de calomnie avant même toute décision judiciaire.

Plusieurs questions subsistent : Pourquoi l’administration retient-elle les indemnités dues aux fonctionnaires alors que, selon leur avocat, ces sommes leur reviennent de droit ? Ne conviendrait-il pas, dans ce cas, de restituer ces fonds à la solde ? Pourquoi ces agents font-ils l’objet de sanctions avant même le verdict du tribunal, alors que l’article 17 du régime disciplinaire douanier impose l’établissement des faits avant toute sanction ? Enfin, pourquoi la suspension des primes ne figure-t-elle pas explicitement dans leur notification de suspension ?

Ces zones d’ombre nécessitent un audit rigoureux afin de faire toute la lumière sur cette affaire, dans l’intérêt de l’administration douanière et de ses agents.


Sériba Koné