L'un des siège de la LONACI. Illustration
L’affaire des 317 millions FCFA non payés à un joueur du Loto Bonheur révèle, selon l’analyse de Jean Christian Konan, des manquements juridiques graves de la Lonaci, fragilisant la confiance des citoyens ivoiriens.
Abidjan, le 8 juillet 2025 (crocinfos.net) – La récente analyse publiée par Jean Christian Konan sur l’affaire opposant la Loterie Nationale de Côte d’Ivoire (Lonaci) à Monsieur D, gagnant déclaré de 317 millions FCFA au Loto Bonheur, révèle des manquements juridiques et éthiques susceptibles de fragiliser la confiance des joueurs envers l’institution.
I. Les faits révélés : un bug, un gain, un refus de paiement
Selon Serif Tall, qui a initialement révélé l’affaire, le 18 avril 2025, Monsieur D avait joué au Loto Bonheur et validé ses tickets à 19h13min, soit avant l’heure officielle de fermeture du jeu fixée à 19h15min ce jour-là, malgré le Day-Off. Or, la Lonaci soutient que les résultats étaient déjà connus à 19h05min, ce qui, selon elle, exclurait toute possibilité de gain puisque le principe même de la loterie – le hasard et l’aléa – était rompu.
Le 7 juillet 2025, Monsieur D était convoqué par Karim Ouattara de la Lonaci mais, en déplacement, il s’est fait représenter par Monsieur Boli.
II. Le fondement du litige : bug technique et aléa du jeu
Pour la Lonaci, bien que les tickets aient été validés et authentiques, ils l’ont été hors délai, la faute incombant à un bug chez l’un de ses partenaires distributeurs. Elle affirme que les résultats étant connus, il ne pouvait y avoir de « hasard » au moment de l’enregistrement de la mise, et que, par conséquent, celle-ci devait être remboursée.
Cependant, l’analyse de Jean Christian Konan met en lumière deux points juridiques majeurs :
- La charge du dysfonctionnement – En principe, lorsqu’une loterie autorisée mandate un distributeur agréé, elle reste responsable vis-à-vis du joueur en cas de dysfonctionnement technique de ce partenaire. L’éventuel bug ne saurait légalement priver l’usager de ses droits, la faute incombant à l’organisation contractante.
- Le principe d’aléa et la protection du consommateur – Si l’heure de fermeture du jeu était bel et bien 19h15min, le refus de valider un ticket enregistré à 19h13min, en raison d’un bug tiers, constitue une violation potentielle du droit du consommateur, qui ne peut supporter le risque technique d’une relation commerciale dont il n’est pas partie.
III. La comparaison internationale : l’exemple norvégien
M. Konan compare cette situation à la gestion d’un bug similaire en Norvège, le 27 juin 2025. Ce jour-là, une erreur de conversion des centimes d’euro en couronnes norvégiennes avait fait apparaître des gains « excessivement élevés » sur l’application de la loterie nationale. Les montants avaient été multipliés par 100 au lieu d’être divisés par 100.
Face à la crise, la PDG de la loterie nationale norvégienne, Tonje Sagstuen, a immédiatement présenté ses excuses publiques, reconnaissant une « rupture de confiance » et démissionnant le lendemain. Elle a déclaré : « Je suis terriblement désolée que nous ayons déçu tant de personnes, et je comprends que les gens soient en colère contre nous. » Une décision visant à restaurer la crédibilité de l’institution et à couper court aux rumeurs de manipulation.
IV. Une question de gouvernance et de confiance publique
En Côte d’Ivoire, l’affaire des 317 millions FCFA révèle un contraste frappant : aucun communiqué d’excuses, aucune prise de responsabilité publique n’a été formulée à ce jour par la Lonaci. Or, comme le souligne l’analyste, l’absence de reconnaissance du préjudice moral subi et l’absence de réparation symbolique risquent d’alimenter le sentiment d’injustice et la défiance des citoyens envers la régularité des jeux de hasard opérés par l’État.
V. Perspectives juridiques
La question centrale reste celle-ci : la Lonaci peut-elle, en droit, opposer aux joueurs les conséquences d’un bug technique d’un distributeur partenaire alors même que les tickets ont été validés avant l’heure limite du jeu ? Pour M. Konan, la jurisprudence ivoirienne en matière de responsabilité contractuelle laisse peu de doutes : « Le risque du prestataire reste supporté par le donneur d’ordre, sauf clause expresse dérogatoire connue et acceptée par l’usager, ce qui n’est pas le cas ici. »
Sériba Koné