![[Le Rétroviseur] Les fossoyeurs en costume](https://crocinfos.net/static/news_media/news_mediaecole1741672791.jpg)
À titre d'illustration
Le rétroviseur est votre éditorial de chaque mardi, il jette un regard critique sur des faits qui rongent la société
Abidjan, Côte d’Ivoire, 11 mars 2025 (crocinfos.net)---En Côte d'Ivoire, l'État s'est doté de dispositifs censés garantir l’intégrité des biens publics : la Commission d’accès à l’information d’intérêt public et aux documents administratifs, la Cour des comptes, le Pôle pénal économique et financier, autant de remparts institutionnels contre la prédation, les détournements, le blanchiment d’argent et la corruption. Une architecture juridique qui, sur le papier, semble un rempart en béton armé contre les prédateurs en col blanc. Mais dans les faits, ces institutions s’enlisent, souvent réduites à sanctionner des seconds couteaux tandis que les véritables criminels prospèrent dans les hautes sphères du pouvoir.
‘’Ces fonds détournés, plutôt que d’être réinjectés dans des projets structurants pour la jeunesse et l’autonomisation des femmes, servent à acheter une popularité de façade.’’
Intouchables, ces fossoyeurs des biens publics paradent sous les ors de la République, drapés dans l’impunité que leur confère leur proximité avec le sommet de l’État. Ils multiplient les allégeances au Président, à son épouse et, par ricochet, à son Premier ministre, érigés en remparts contre toute velléité de reddition des comptes. Poursuivis dans plusieurs scandales financiers, ils échappent systématiquement aux enquêtes approfondies. La raison ? L’immunité parlementaire dont certains jouissent les soustrait à toute poursuite judiciaire, verrouillant ainsi toute procédure susceptible de faire vaciller leurs privilèges. Et lorsque l’exécutif détient la majorité législative, il suffit d’un vote pour s’assurer que jamais leur immunité ne sera levée.
Ces fonds détournés, plutôt que d’être réinjectés dans des projets structurants pour la jeunesse et l’autonomisation des femmes, servent à acheter une popularité de façade. Dons alimentaires, gestes de charité ostentatoires, financements opportunistes : tout est mis en scène pour manipuler une population maintenue dans la précarité. La justice, censée être la gardienne de l’État de droit, se mue en complice, se contentant de rendre des « services » aux puissants du moment.
À l’approche des élections, la mécanique s’emballe : les promesses fusent, les chantiers annoncés depuis des lustres sont subitement relancés, et l’espoir renaît artificiellement. Mais la réalité est têtue. Chaque année, la corruption coûte à l’État ivoirien plus de 1 400 milliards de FCFA. La Côte d'Ivoire, jadis perçue comme un modèle de stabilité, figure désormais parmi les plaques tournantes du trafic de drogue. Ironie du sort, l’un des hauts responsables de la lutte contre les stupéfiants a lui-même été épinglé par le Pôle pénal économique et financier.
‘’Dons alimentaires, gestes de charité ostentatoires, financements opportunistes : tout est mis en scène pour manipuler une population maintenue dans la précarité. La justice, censée être la gardienne de l’État de droit, se mue en complice, se contentant de rendre des « services » aux puissants du moment.’’
Dans un tel contexte, à qui faire confiance ? Quand ceux qui ont pour mission de protéger l’État en deviennent les prédateurs, le pays s’enfonce dans un cycle où les fossoyeurs en costume remplissent impunément les rangs des faussaires, au grand dam d’une nation qui peine à conjurer la gangrène de l'impunité.
Sériba Koné