[Enquête sur la corruption en Côte d’Ivoire] Les coulisses de l’opacité dévoilées

[Enquête sur la corruption en Côte d’Ivoire] Les coulisses de l’opacité dévoilées

Cette enquête sur la corruption en Côte d'Ivoire révèle les organismes publics impliqués dans cette gangrène qui ronge davantage les populations vulnérables, mettant ainsi en péril le développement du pays. Elle nous plonge au cœur des méandres de la lutte anticorruption. Elle révèle des chiffres alarmants et met en lumière les obstacles à la transparence judiciaire.

Voici les organismes publics au cœur de la corruption

-Les préjudices potentiels en FCFA dans chaque secteur

Abidjan, Côte d’Ivoire, le 6 novembre 2023 (crocinfos.net)—Dans les méandres de la corruption ivoirienne, 1 400 milliards FCFA échappent annuellement aux caisses publiques, soit 4% du PIB. Notre enquête pointe du doigt les organismes publics impliqués, qui entravent le développement du pays. Malgré cela, l’opacité persiste, obscurcissant le paysage financier ivoirien.

Ces sommes qui donnent froid dans le dos

Le drame de la corruption, c’est que les exemples enchanteurs donnent un aperçu glaçant sur les organismes publics soupçonnés d’être derrière la fuite de 1 400 milliards FCFA.

Des experts dont Mme Foutamata Ba, coordinatrice de la plateforme nationale du Système de prévention et de détection des actes de corruption et infractions assimilées (spacia.ci), estiment que cet argent aurait pu financer la construction de 5 universités, 24 lycées, 10 000 salles de classe, 10 CHU, 30 CHR, 100 CSR, 5 000 km de routes et 3 ponts. Les données de spacia.ci révèlent que ces détournements proviennent de 850 signaux de corruption, totalisant 130,9 milliards FCFA, signalant des secteurs publics comme l’éducation et la santé.

Pourtant, le ministère de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation (MENA) a publié en ligne, le mercredi 4 octobre 2023, les 42 réformes contenues dans le rapport des états généraux de l’Éducation nationale (EGENA), pour la recherche d’un montant total de 866 milliards FCFA, dont environ la moitié a été déjà mobilisée, selon le ministère.

Le graphique des signalements des organismes publics...

Le graphique des signalements des organismes publics…

Le 10 octobre 2023, en réponse à notre requête du 25 septembre, le capitaine de police Kacou Euloge Jonas de la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG) a envoyé un tableau par mail. Ce document révèle les dix secteurs publics les plus signalés via la plateforme « Signalis », impliquant les ministères de l’Intérieur, de la Santé, de l’Éducation, de la Défense, des Sports, du Budget, de la Justice, de la Construction, des Mines et de l’Énergie. L’Enseignement supérieur est particulièrement touché par les alertes de corruption, bien que les chiffres précis par organisme n’aient pas été divulgués.

...selon la plateforme spacia

...selon la plateforme spacia

Situation alarmante

La Côte d’Ivoire lutte contre la corruption malgré des défis persistants. Selon Transparency International, la Côte d’Ivoire est 105e sur 180 pays dans la lutte anticorruption. Des progrès ont été faits, mais atteindre 50/100 d’ici 2025 reste un défi. Le ministère de la Bonne Gouvernance alerte sur les détournements de fonds publics non sanctionnés.

‘’Bien que 82,39% des assujettis aient déclaré leur patrimoine jusqu’en septembre 2023, aucune sanction n’a été appliquée depuis 2015, alors l’impunité perdure, les intérêts personnels (bien indûment perçus) sont préservés. Pis, la législation ivoirienne n’a rien prévu pour sanctionner des élus qui n’ont pas déclaré leur patrimoine lors de dépôt des candidatures à une élection.’’

Les données de la plateforme de dénonciation, spacia.ci dénoncent des préjudices de plus de 34 milliards FCFA dans le ministère de la Communication et les médias, et de plus de 18 milliards FCFA dans l’Agriculture et l’Industrie, ainsi que le secteur de la justice ivoirienne, avec 686 millions FCFA de préjudice et bien d’autres secteurs.

Des personnalités véreuses

Le signalements selon Signalis de la HABG

Les signalements selon Signalis de la HABG

La lutte anticorruption en Côte d’Ivoire progresse, mais reste entravée par l’évasion de nombreux coupables. La Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG) a interpellé 17 individus dans des enquêtes de flagrance, sans préciser le montant des fonds impliqués. Par ailleurs, le pays est devenu un point de transit majeur pour le trafic de drogue. Le fléau prend de plus de l’ampleur. Malgré l’obligation légale de déclarer leur patrimoine (article 41 de la Constitution ivoirienne), certaines personnalités refusent de le faire, favorisant ainsi la corruption. Bien que 82,39% des assujettis aient déclaré leur patrimoine jusqu’en septembre 2023, aucune sanction n’a été appliquée depuis 2015, alors l’impunité perdure, les intérêts personnels (bien indûment perçus) sont préservés. Pis, la législation ivoirienne n’a rien prévu pour sanctionner des élus qui n’ont pas déclaré leur patrimoine lors de dépôt des candidatures à une élection. Il en est de même pour les nouveaux candidats. Ce laisser-faire ouvre ainsi la porte à toutes sortes de gabegies financières.

 Le parapluie de ces brebis galeuses

Le ministère de la Justice, le Pôle économique et le Tribunal militaire, censés incarner l’intégrité de notre système judiciaire, restent évasifs face aux demandes légitimes d’informations et de documents sur les condamnations liées à la corruption dont nous avons fait les demandes en vertu de la loi n°2013-867 du 23 décembre 2013. Malgré la loi exigeant la transparence, ces données cruciales restent enfermées dans des dossiers inaccessibles aux médias et à la société civile, sapant ainsi la confiance publique.

Tableau de synthèse des déclarations de patrimoine de prise de fonction ou de début de mandat de 2015 au 30/09/2023

Tableau de synthèse des déclarations de patrimoine de prise de fonction ou de début de mandat de 2015 au 30/09/2023

L’opacité s’étend également au Pôle économique, où l’idée de relever le seuil des affaires de corruption à juger suscite des inquiétudes. Le Tribunal militaire, de même, maintient un silence troublant.

‘’Le ministère de la Justice, le Pôle économique et le Tribunal militaire, censés incarner l’intégrité de notre système judiciaire, restent évasifs face aux demandes légitimes d’informations et de documents sur les condamnations liées à la corruption dont nous avons fait les demandes en vertu de la loi n°2013-867 du 23 décembre 2013.’’

Cette situation soulève des questions sérieuses sur l’intégrité de notre système judiciaire. Il est impératif que ces institutions embrassent la transparence au lieu de se retrancher dans le silence. En outre, le retard des rapports de 2021 dénoncé par les médias et l’Association citoyens et participation, CIVIS Côte d’Ivoire, traduit le manque de responsabilité dans la gestion publique, qui augmente l’inquiétude des citoyens.

Face à ce mur d’obscurité, les citoyens s’interrogent : combien de temps encore devrons-nous attendre pour que la justice soit réellement transparente et accessible à tous ?

SERIBA KONE

Encadré

La corruption rampante en Côte d’Ivoire

Dans les coulisses du pouvoir ivoirien, la réalité est critique : de nombreux organismes publics sont suspectés de corruption. Alors que ces entités se présentent comme inlassablement insatisfaites et continuellement à la recherche de financements extérieurs, elles sont en réalité englouties par les poches profondes des « richesses », dont les citoyens financent les excès via leurs impôts. Ce phénomène a donné naissance au dicton populaire ‘’ils ont la justice dans leurs poches’’. Les critiques soutiennent avec raison que les véritables coupables échappent souvent à la justice, et ce sont les complices de moindre envergure qui paient le prix fort. En Côte d’Ivoire, des ministres, des élus et d’autres personnalités intouchables circulent en toute impunité au volant de voitures luxueuses, leurs résidences regorgeant de véhicules dernier cri. Pendant ce temps, l’application des indicateurs de performance et des lois visant à promouvoir la bonne gouvernance restent en suspens, attendant un hypothétique avenir radieux, un feu vert pour le peuple ivoirien.

SERIBA K.

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