[Politique nationale] Succession d’Alassane Ouattara

[Politique nationale] Succession d’Alassane Ouattara

S’il a réussi à consolider son parti, le Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp) en quelques années, faisant de cette formation politique un outil puissant pour le développement de la Côte d’Ivoire, qu’en sera-t-il de ce mouvement si Alassane Ouattara, le président ivoirien, devait un jour s’éloigner du champ politique pour se consacrer à d’autres activités ?

-Avant 2025, les Ivoiriens s’interrogent

Bouaké, le 17 juillet 2023 (crocinfos.net) On a eu coutume depuis de longues années, d’entendre les militants du Rhdp dire : « même si ADO, (Alassane Ouattara ; Ndlr) choisit un mouton comme candidat aux différentes élections qui ont lieu dans ce pays, nous le voterons ». Le président ivoirien, avant même d’être élu à la tête du pays en 2010, a toujours été écouté par ses militants et sympathisants. Dans l’opposition, l’on a en mémoire ses appels à la retenue auxquels tous répondaient favorablement. « Quand il nous demande quelque chose, nous y adhérons même si nous ne sommes pas d’accord, parce que nous lui faisons confiance », explique un militant de première heure de la ville de Bouaké. Pendant la crise postélectorale de 2010 et 2011 qui l’opposait à Laurent Gbagbo au sujet de qui avait réellement gagné ce second tour du 28 novembre 2010, Alassane Ouattara démontrait une fois de plus qu’il avait la caution de ses militants et d’autres Ivoiriens qui lui faisaient confiance. « Les militants et sympathisants – bien qu’impatients face à la situation qui prévalait avec brimades, persécutions et morts d’hommes – se calmaient quand le président leur demandait de le regarder faire », argumente notre interlocuteur. C’est surtout après l’arrestation de Laurent Gbagbo le 11 avril 2011 au bout d’une crise aiguë de cinq mois que l’opinion a réellement mesuré la capacité du nouvel homme fort d’Abidjan de canaliser ses militants. Alors qu’il avait les pleins pouvoirs pour pouvoir se venger des pro-Gbagbo qui ont fait voir de toutes les couleurs à ses supporters, Alassane Ouattara a plutôt opté pour l’accalmie.

‘’Le président ivoirien, avant même d’être élu à la tête du pays en 2010, a toujours été écouté par ses militants et sympathisants. Dans l’opposition, l’on a en mémoire ses appels à la retenue auxquels tous répondaient favorablement.’’

A ses hommes, il a demandé dans ses premiers discours d’éviter de se faire justice. L’homme politique, contrairement à la volonté de bon nombre des siens d’en découdre physiquement avec leurs adversaires, a plutôt prôné la cohésion et la réconciliation nationale mettant un point d’honneur à la reconstruction et au développement du pays. Malgré les ressentiments de ses militants, ses appels n’ont pas eu du mal à être entendus. C’est ainsi que la Côte d’Ivoire a entamé sa reconstruction avec Alassane Ouattara au lendemain de la crise postélectorale. « Des personnes ont failli donner une réponse vigoureuse aux traitements adverses qu’ils avaient reçus mais l’appel à la retenue du Président Ouattara les a amenés à revoir leur position. Figurez-vous qu’un pro-Gbagbo ici à Abobo a menacé de tuer un jeune homme, de la même tribu que l’ancien président Laurent Gbagbo, parce que ce dernier a donné ses suffrages à Alassane Ouattara, qu’il jugeait apte à faire face aux problèmes liés aux jeunes et à la nation. Ce pro-Gbagbo qui avait fini par quitter le quartier en raison de la recrudescence de la crise entre les deux forces opposées dans cette commune, est revenu à la fin des affrontements sans être inquiété par qui que ce soit. Pourtant, le quartier l’attendait pour lui régler des comptes. Si ce dernier qui vit jusqu’à présent dans le quartier s’en est sorti à bon compte, c’est grâce aux appels à la retenue de Ouattara et au respect de ses mots d’ordre par ceux qui se reconnaissent en lui », explique longuement Issa T., un habitant du quartier habitat à Abobo complexe.

Déjà des interrogations sur l’après-Ouattara

C’est dans la même veine que le président du Rhdp a lancé le jeudi 13 juillet, son appel à l’union, lors de la présentation de ses candidats aux municipales et régionales du 02 septembre 2023. Il est presque certain que les candidats qu’il a choisis seront acceptés et qu’il pourra s’en sortir avec une majorité respectable dans la mesure où il est écouté par ses militants. C’est fort de cette confiance placée en lui qu’Alassane Ouattara espère voir son parti, le Rhdp, tenir le flambeau durant des années encore. Mais, qu’en sera-t-il réellement de cette formation politique si son président décidait un jour de quitter le pouvoir ? Qui pour faire comme lui ? Pour avoir su non seulement former un tel parti qui rafle tout sur son passage mais aussi changer le visage de la Côte d’Ivoire, ces questions, beaucoup de militants et sympathisants Rhdp mais également de nombreux Ivoiriens et observateurs de la scène politique se la posent. En effet, on entend Alassane Ouattara demander au cours des réunions de conseils politiques de son parti, à ses cadres d’être proches et solidaires des militants et des populations. Mais, au regard des liens qui ne sont toujours pas cordiaux entre certains cadres et leurs populations, des voix se font souvent entendre du genre : « C’est pour Alassane Ouattara que nous supportons tout ce qu’ils nous font subir. On se sent obligés de faire ces sacrifices pour ce qu’il rend comme services au pays puisque nous en profitons tous. Sinon, s’il ne s’agissait que de ceux qui gravitent autour de lui, on aurait baissé les bras depuis longtemps », déclarent à satiété des militants et/ou sympathisants de son parti. Pour certains d’entre eux qui tiennent de tels discours, seuls quelques responsables proches de lui, donnent encore le courage de poursuivre le combat en raison de leur humilité et de leur volonté d’aider les populations à un mieux-être. « Il y a quelques rares responsables encore avec lui que je ne citerai pas et qui donnent des raisons d’espérer. Et ils se connaissent. Par contre, on en trouve peu qui tendent les oreilles aux préoccupations des militants. La preuve, c’est lorsqu’approchent les élections que nombre d’entre ces cadres nous visitent. Ils sont comme les autres hommes politiques de ce pays alors qu’on aurait voulu qu’ils soient comme leur mentor Alassane Ouattara qui ne pense qu’au mieux-être des populations ivoiriennes d’où qu’elles se situent. Lui, se bat à tout moment et en tout lieu pour les Ivoiriens quand nombre de ses collaborateurs ne travaillent que pour leurs propres intérêts. Ils n’ont sincèrement rien compris à la politique sociale du président. Bref ! », s’est lâché un militant acharné du Rhdp ayant requis l’anonymat.

‘’C’est fort de cette confiance placée en lui qu’Alassane Ouattara espère voir son parti, le Rhdp, tenir le flambeau durant des années encore. Mais, qu’en sera-t-il réellement de cette formation politique si son président décidait un jour de quitter le pouvoir ?’’

C’est pourquoi, certains de ces militants n’hésitent pas à affirmer que « le jour où Alassane Ouattara ne sera plus là, chacun de nous sera dans son coin ». Et de poursuivre : « C’est justement pour cette raison que des responsables proches de lui tiennent à ce qu’il soit toujours au contrôle de l’Etat et nous-mêmes prions pour qu’il dure longtemps sur la terre des hommes afin d’orienter et guider ses lieutenants, s’il lui arrivait à l’idée, un jour de céder le pouvoir ».

On le comprend, Alassane Ouattara est un fédérateur. Même de nombreux Ivoiriens qui l’ont combattu hier admettent qu’il fait aujourd’hui la fierté du pays et ne cessent de se demander ce qu’il en sera de son après. Le président ivoirien, constructeur, réconciliateur, homme de décisions et de relations a-t-il un remplaçant à son niveau pour poursuivre son œuvre ? Fera-t-il la surprise en cédant le pouvoir ? La question est sur toutes les lèvres, alors qu’approche à grands pas, la prochaine présidentielle de 2025 qui cache très certainement de nombreuses incertitudes.

OUATTARA ABDOUL KARIM

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